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Etat des lieux du Droit Local communal d’Alsace-Moselle

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Le Droit Local communal d’Alsace-Moselle, pour ce qu’il en subsiste, est principalement issu de la loi municipale du 6 juin 1895. Il s’agit d’un texte purement alsacien-lorrain puisqu’adopté par le Landesausschuss – autrement dit le Parlement d’Alsace-Lorraine – sans intervention du Reichstag. Pour autant, la loi était issue d’une initiative gouvernementale et n’a pu aboutir que dans le respect de certaines exigences du gouvernement, en particulier sur le mode de désignation du maire et des adjoints qui ne devait pas rester au libre choix du conseil municipal. Cette question constituait un enjeu politique essentiel puisque, alors que le droit communal français était resté en vigueur de 1870 à 1895, le régime de la désignation du maire et des adjoints avait été modifié dès 1887 pour mieux asseoir le pouvoir étatique face au développement de l’esprit protestataire en Alsace-Lorraine. La loi du 4 juillet 1887 avait ainsi donné au gouvernement le pouvoir de nomination de l’exécutif communal, qui pouvait même être choisi hors de la commune, sans avoir à en référer au conseil municipal. Si le gouvernement avait pour la loi de 1895 accepté de nombreux amendements très libéraux, c’est qu’en gardant le dernier mot pour la désignation du maire et des adjoints, dans un système toutefois moins radical que celui de 1887, peu lui importait de concéder quelques libertés au conseil municipal, par exemple un régime très peu contraignant de contrôle des délibérations ou en matière de budget. Après l’armistice, l’urgence fut d’introduire les règles électorales françaises des élus communaux, y compris l’exécutif, ce qui fut fait dès la loi du 17 octobre 1919. La loi de 1895 a été maintenue pour le reste par l’Article 7-15 de la loi d’introduction civile du 1er juin 1924. Rappelons que l’Article 7 concerne les dispositions maintenues à titre définitif par le législateur. Le Droit Local communal a été jugé suffisamment novateur au regard du droit français, tout du moins avant la décentralisation de 1982, pour justifier son maintien après le retour à la France des trois départements, l’idée étant que le droit général finirait bien à terme par rejoindre le Droit Local qui perdrait ainsi sa raison d’être. C’est ce qu’a rappelé récemment le Conseil Constitutionnel par sa décision Société SOMODIA n°2011-157 QPC du 5 août 2011, relative à la constitutionnalité de la législation du repos dominical en Droit Local. Le Conseil Constitutionnel a confirmé cette constitutionnalité en dégageant pour l’occasion un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République applicable à l’ensemble du Droit Local et a posé les limites à l’aménagement de ce droit qui a normalement vocation à disparaître, par introduction du droit commun ou harmonisation avec celui-ci, et non pas à survivre.

Marieulles-Vezon

Le Droit Local communal est une spécificité de Moselle, comme ici à Marieulles-Vezon, près de Metz (Crédits photo : Groupe BLE Lorraine)

Le Droit Local communal a depuis 1924 donné lieu à de nombreuses introductions ponctuelles du droit général et, il faut bien constater que l’état actuel de ce Droit Local n’a plus de cohérence particulière. Il est constitué d’un ensemble de dispositions, principalement codifiées au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), qui ne répondent pas à une logique globale. Ce Droit Local communal sera présenté de façon classique autour de trois thématiques : le contrôle administratif des communes, le conseil municipal et l’exécutif communal.

Le contrôle administratif des actes des communes

Ce point vaut d’être abordé en premier car il s’agit très certainement de la spécificité la plus emblématique du Droit Local communal. Alors que la loi française du 5 avril 1884 avait consacré un système de tutelle a priori très étroite, la loi du 6 juin 1895 avait adopté le principe du caractère exécutoire de plein droit des actes des communes sans obligation générale de communication à l’autorité de contrôle. Le régime général français s’est finalement rapproché progressivement du régime local, en particulier avec la loi du 31 décembre 1970, qui a limité le nombre d’actes soumis à approbation préalable, et surtout celle du 2 mars 1982 modifiée qui a supprimé le contrôle a priori pour le remplacer par une obligation de transmission des actes au contrôle de légalité et par un contrôle a posteriori, c’est-à-dire intervenant quand l’acte est déjà devenu exécutoire. Mais la loi a maintenu le caractère exécutoire de plein droit des actes des communes qui l’étaient à la date d’entrée en vigueur de la loi en vertu de dispositions spécifiques du Droit Local lorsqu’il en existe. Parmi ces dispositions figurent notamment les délibérations adoptant les budgets des communes de plus de 25 000 habitants. L’interprétation de cette disposition a posé des difficultés résolues par un arrêt du Conseil d’Etat pour la Ville de Metz du 28 juillet 1989 dans une affaire où était précisément en cause le refus de la Ville de Metz de communiquer son budget au préfet (voir Luc Bartmann « Transmission et caractère exécutoire des actes administratifs des communes dans les trois départements de l’Est » in Recueil juridique de l’Est – Sécurité sociale N°4 oct. – déc. 1989 p. 7).

Il faut, en l’état actuel du droit, distinguer entre l’obligation de transmission des actes qui est régie par le droit général, ce qui soumet à l’obligation de transmission les mêmes actes qu’en droit général, y compris par conséquent le budget des villes de plus de 25 000 habitants, et le caractère exécutoire des actes qui reste régi par le Droit Local lorsqu’il existe des dispositions spécifiques, auquel cas l’acte est, contrairement au droit général, exécutoire indépendamment de sa transmission, ce qui impliquait dans le cas de la Ville de Metz que son budget était exécutoire dès avant sa transmission au préfet.

Le conseil municipal

S’agissant du conseil municipal, le particularisme local concerne tant les règles d’organisation et de fonctionnement de cet organe délibérant que ses compétences.

Dans le domaine des règles d’organisation et de fonctionnement le Droit Local n’est plus composé que de dispositions éparses dont certaines sont plutôt le fruit de procédures législatives ou de codifications plus ou moins abouties que la traduction d’une volonté particulière du législateur. On ne peut donc pas entreprendre d’en faire une autre présentation que point par point. En matière de convocation et d’ordre du jour, les dispositions de l’Article L. 2121-12 du CGCT concernant les communes de 3 500 habitants et plus sont applicables en Alsace-Moselle. Un particularisme subsiste néanmoins pour les communes de moins de 3 500 habitants. En droit général (Article L. 2121-11 du CGCT) la convocation doit être adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion. Ce délai peut être abrégé par le maire en cas d’urgence, sans être inférieur à un jour franc. Le maire rend compte dès l’ouverture de la séance et le conseil se prononce sur l’urgence. Il peut décider le renvoi de la discussion sur tout ou partie à une séance ultérieure. En Alsace-Moselle, ces dispositions ne sont pas applicables. L’Article L. 2541-2 du CGCT prévoit un délai de convocation qui est également d’un jour franc. Toutefois, en cas d’urgence, le maire peut convoquer le conseil la veille de la réunion et le conseil municipal est en droit, comme en droit général, d’apprécier s’il y a urgence. La convocation doit indiquer les questions à l’ordre du jour. Cette obligation existait en Droit Local depuis la loi locale de 1895. Selon l’Article L. 2121-9 du CGCT, le maire a l’obligation de convoquer le conseil dans un délai de 30 jours quand le préfet le demande, ou le tiers des membres dans les communes de 3 500 habitants et plus ou encore la majorité dans les communes de moins de 3 500 habitants. Le préfet peut abréger ce délai en cas d’urgence. Ce texte n’est pas introduit en Alsace-Moselle, où le préfet ne dispose donc pas de ce pouvoir, même s’il peut bien entendu présenter au maire une invitation à réunir le conseil municipal, qui ne présente toutefois aucun caractère impératif. Le maire apprécie librement s’il a lieu d’y donner suite. La règle du tiers est valable pour toutes les communes. Les textes ne fixent pas de délai particulier. Toutefois, le juge administratif a estimé qu’en Droit Local pour convoquer le conseil municipal, le maire ne saurait dépasser un délai de 30 jours (TA Strasbourg, 2 déc. 1986, Abel et autres n° 85915) : la jurisprudence a ainsi imposé le même délai qu’en droit général.

En droit général comme en Droit Local (Article L. 2121-17 du CGCT), le conseil municipal ne peut délibérer que lorsque la majorité de ses membres en exercice assiste à la séance. C’est la règle du quorum. Mais, si en droit général, après une première convocation le quorum n’est pas atteint, la délibération est valable si elle est prise après une seconde convocation à trois jours au moins d’intervalle quel que soit le nombre des membres présents, la règle est différente en Droit Local (Article L. 2541-6 du CGCT). Il n’y a ainsi pas de délai spécial pour la seconde convocation après le constat de l’absence de quorum. Il existe par contre une obligation d’indiquer expressément dans la seconde convocation que la délibération pourra être prise quel que soit le nombre de présents. Le Droit Local précise également qu’aucun quorum n’est nécessaire si la moitié ou plus des conseillers est personnellement intéressée à l’affaire.

Alors qu’en droit général et selon l’Article L. 2121-5 CGCT, tout membre d’un conseil municipal qui sans excuse valable a refusé de remplir une des missions qui lui sont dévolues par les lois est déclaré démissionnaire par le Tribunal Administratif, en Alsace-Moselle l’Article L. 2541-9 du CGCT prévoit un système plus complexe. L’exclusion d’un conseiller peut intervenir par délibération du conseil, à temps ou pour le mandat, soit en cas d’absence sans excuse suffisante, à trois séances consécutives du conseil, soit en cas de trouble de l’ordre à plusieurs reprises sans tenir compte des avertissements du président. L’Article L. 2541-10 du CGCT prévoit également la cessation automatique des fonctions du conseiller qui, sans excuse, a manqué cinq séances consécutives du conseil. Le fait est constaté par une mention au registre des procès-verbaux du conseil municipal. Dans les deux cas, le conseiller concerné dispose d’un recours devant le Tribunal Administratif de Strasbourg dont la décision est définitive selon l’Article L. 2541-11.

En l’Alsace-Moselle, l’Article L. 2541-6 du CGCT dispose que le secrétaire de séance est choisi par le conseil municipal. L’Article L. 2541-7 précise par ailleurs que le maire peut prescrire que les employés municipaux assistent aux séances. Le Tribunal Administratif de Strasbourg a jugé qu’il résultait de la combinaison de ces deux textes que le secrétaire du conseil municipal pouvait être, en Alsace-Moselle, un agent de la commune (TA Strasbourg 18 novembre 1997, Lotz).

S’agissant des commissions du conseil municipal, régies par l’Article L. 2541-8 du CGCT, une première particularité réside en ce que la voix du président (le maire, l’adjoint ou le conseiller municipal délégué) a voix prépondérante en cas d’égalité des voix, ce qui constitue une survivance du rôle historiquement prédominant de l’exécutif municipal en Droit Local. Mais le particularisme le plus notable réside en ce que le texte ne prévoit pas l’obligation de respecter la représentation proportionnelle dans la composition des commissions dans les communes de plus de 3 500 habitants (voir l’Article L. 2121-22, al. 3 du CGCT). Toutefois, cette obligation est établie par le Code des marchés publics pour les commissions d’appel d’offres ou d’adjudication (Articles 282 et 299 du Code des marchés publics). L’Article 249 du même code rend ces règles applicables en Alsace-Moselle. Pour les autres commissions, cette règle ne s’applique donc pas en Droit Local, bien qu’en pratique la plupart des communes la mettent en œuvre spontanément.

En matière de compétences spécifiques du conseil municipal, on rappellera que le Droit Local au travers de la loi du 6 juin 1895 a été pionnier en matière d’économie mixte, et que si le droit commun des Sociétés d’Economie Mixte (SEM) doit, depuis la loi du 7 juillet 1983 relative aux SEM, être considéré comme introduit en Alsace-Moselle, il reste cependant une particularité puisque l’Article L. 2542-28 du CGCT subsiste et dispose que les SEM existant dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et créées en application de la loi locale du 6 juin 1895 peuvent déroger aux dispositions de l’Article L. 1522-1 concernant la participation majoritaire des collectivités territoriales au capital et la forme de société anonyme (Conseil d’Etat du 10 octobre 1994, préfet de la Moselle n°141877).

En matière d’urbanisme, la loi locale du 7 novembre 1910 permet au conseil municipal d’autoriser le maire à arrêter un règlement municipal de construction dans l’intérêt de l’esthétique locale. La fiscalité de l’urbanisme comporte quant à elle la possibilité pour le conseil municipal d’instaurer la redevance de riverains par laquelle les propriétaires riverains des voies publiques peuvent être contraints de participer financièrement aux premiers frais de construction de ces voies (loi du 21 mai 1879 et du 6 janvier 1892). Après sa prise en compte dans le Code de l’urbanisme, cette taxe était finalement condamnée à disparaître au 1er janvier 2015, mais elle a été maintenue in extremis par la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 (voir Laurence Grisey Martinez « la taxe des riverains après la loi du 29 décembre 2014 » in Revue du Droit Local n°73 de février 2015 page 25).

En matière de repos dominical, l’Article L. 3134-4 du Code du travail dispose que par voie de statuts ayant force obligatoire, adoptés après consultation des employeurs et des salariés et publiés selon les formes prescrites, les départements ou communes peuvent réduire la durée du travail ou interdire complètement le travail pour toutes les exploitations commerciales ou pour certaines branches d’activité. Il résulte d’une instruction du 23 mars 1892 que les autorités compétentes pour les statuts locaux sont le conseil général pour le statut départemental et le conseil municipal pour le statut municipal. L’autorité compétente pour adopter et/ou modifier le statut communal est donc le conseil municipal qui doit autoriser le maire à prendre l’arrêté correspondant.

Le conseil municipal dispose également de plus de latitudes qu’en droit commun pour octroyer certaines subventions. C’est ainsi qu’en matière d’enseignement du premier degré, l’Article 2 de la loi française du 30 octobre 1886 portant sur l’organisation de l’enseignement primaire – devenu l’Article L. 151-3 du Code de l’éducation – n’a pas été introduit en Alsace-Moselle (voir le décret du 8 août 1924 Article 1er al. 3 JORF du 11 – 12 août 1924, p. 7451 et 7452). La distinction entre les établissements d’enseignement primaire publics fondés et entretenus par l’Etat, les départements ou les communes, et les établissements privés fondés et entretenus par des particuliers ou des associations n’existe donc pas en Droit Local, ce qui permet aux communes de subventionner l’enseignement privé, voire de gérer elles-mêmes des écoles privées (voir Jurisclasseur Alsace-Moselle fasc. 220 § 72). On rappellera également que la non introduction de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat, permet le versement de subventions aux activités cultuelles en Droit Local.

Pour ce qui est des cultes reconnus, l’Article L. 2543-3 du CGCT rend obligatoire la prise en charge par la commune des frais des cultes dont les ministres sont salariés par l’Etat en cas d’insuffisance des revenus (3°), ainsi que les indemnités de logement dues aux ministres des cultes reconnus (2°). Il appartient donc au conseil municipal d’en délibérer.

Enfin, rappelons qu’en Alsace-Moselle, le droit de chasse est administré par la commune, au nom et pour le compte des propriétaires (Article L.429-2 du Code de l’environnement issu de la loi locale du 7 février 1881) ce qui confie au conseil municipal l’obligation de gérer les locations de chasses en organisant les adjudications tous les neuf ans et en déterminant le mode de location. Le conseil municipal est également amené à délibérer sur la désignation par le maire de l’estimateur des dégâts de gibier (Article R. 429-8 du Code de l’environnement).

Le maire

L’exécutif communal, s’agissant de son organisation et de son fonctionnement est totalement soumis au droit commun pour les raisons historiques rappelées supra. Le particularisme ne concerne plus que les compétences.

D’une façon générale, il y a une assimilation très large des pouvoirs du maire en Alsace-Moselle au droit général. Le maire, depuis 1919, n’est plus l’autorité communale de droit commun, doté de la clause générale de compétence. La répartition des rôles entre l’exécutif et le délibérant est en pratique, et nonobstant la rédaction particulière des textes, calquée sur le système français. Les pouvoirs réellement originaux qui restent aux maires d’Alsace-Moselle concernent des domaines un peu disparates et sont, pour certains, de portée limitée si ce n’est anecdotique.

Le maire peut ainsi sans l’autorisation du conseil municipal engager des actions contentieuses à condition d’en rendre compte au conseil dans sa prochaine séance (Article L. 2541-25 du CGCT). Ces dispositions locales paraissent plus larges que celles de l’Article L. 2132-3 du Code Général des Collectivités Territoriales. Ce dernier n’exige cependant pas l’urgence comme condition d’action du maire comme l’indique la disposition locale. Mais la disposition correspondante du droit général est désormais également applicable en Alsace et en Moselle (voir l’Article L. 2541-22 du CGCT). Selon une réponse ministérielle (JOAN Q, 31 juillet 2000, p. 4551 ; RDL n°30, sept. 2000, p. 50), en vertu du principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale, les dispositions des Articles L. 2131-1 à L. 2131-7, bien que déclarées introduites dans les trois départements de l’Est par l’Article L. 2541-22, n’y seraient applicables que si elles ne contreviennent pas aux dispositions spéciales aux départements concernés et ne font pas double emploi avec elles.

L’Article L. 2132-3 qui dispose que le maire peut toujours, sans autorisation préalable du conseil municipal faire tous actes conservatoires ou interruptifs de déchéance n’interfère avec aucune disposition du Droit Local et est donc applicable dans les trois départements. La combinaison de ces deux dispositions autorise par conséquent le maire dans les trois départements à agir, même hors cas d’urgence, pour prendre toutes mesures conservatoires ou faire tout acte interruptif de déchéance et il n’y a de ce fait plus de véritable particularisme sur ce point.

Parmi les attributions variées du maire on relèvera par exemple qu’il a des responsabilités particulières en matière de chasse, notamment dans le domaine de la constatation des dégâts du gibier, en particulier dans la désignation de l’estimateur, qu’il exerce certaines fonctions en tant que représentant de la commune auprès des autorités cultuelles et qu’il est membre permanent et de droit des conseils de fabrique du culte catholique sauf des cathédrales, ou qu’il est autorité de surveillance des corporations dans les « grandes communes », c’est-à-dire, en principe, celles qui dépassent 25 000 habitants. Cette dernière mission va vraisemblablement perdre de son intérêt après la décision du Conseil Constitutionnel n°2012-285 QPC du 30 novembre 2012 censurant le caractère obligatoire de certaines corporations et qui conduit à considérer dorénavant toutes les corporations comme libres, solution qui va induire une baisse des adhérents et, par conséquent, de la vitalité des corporations.

La police municipale générale relève de textes particuliers qui sont toutefois pour la plupart codifiés (voir les Articles L. 2542-1 et suivants du CGCT). Le Droit Local du pouvoir de police municipale général comporte dans l’ensemble les mêmes prérogatives et les mêmes obligations pour le maire qu’en droit général : assurer l’ordre public dans ses trois composantes, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques. Le caractère exécutoire des mesures de police du maire n’est toutefois pas subordonné à la transmission au représentant de l’Etat. Ce particularisme a été maintenu par les lois de décentralisation de 1982. Les arrêtés pris en matière de police municipale doivent par contre et en vertu d’une ordonnance de 1887 restée en vigueur être transmis au tribunal d’instance et au procureur de la république, en plus des formalités de publication du droit général. Le non-respect de cette formalité spécifique empêche l’entrée en vigueur des arrêtés et conduit à la relaxe des prévenus (Juridiction de proximité de Strasbourg, 12 février 2009 – voir : Luc BARTMANN « Le respect de l’ordonnance ministérielle du 19 décembre 1887 conditionne l’opposabilité des arrêtés de police dans les trois départements de l’Est » in Revue du Droit Local – mai 2009 – n°56 p.15 ; également paru in Les Affiches d’Alsace et de Lorraine n°23 du 19 mars 2010 p. 1). Sauf exceptions résultant de dispositions expresses, le préfet ne dispose pas en Alsace-Moselle du pouvoir de substitution qui, en droit général, lui permet de se substituer à un ou plusieurs maires dans l’exercice du pouvoir de police. Enfin, le régime de la police d’Etat est soumis en Alsace et en Moselle à une règle spécifique. La différence avec le droit général concerne la police des rassemblements d’hommes, qui relèvent en Alsace-Moselle du préfet, que les rassemblements soient occasionnels ou non, alors qu’en droit général, le maire est compétent pour les rassemblements non occasionnels (différence de rédaction entre les Articles L. 2214-4 al. 2 et 3 et L. 2452-10 du CGCT).

S’agissant de la police spéciale on peut relever que le maire dispose du pouvoir d’accorder certaines dérogations à la règle du repos dominical et des jours fériés et de fixer les heures journalières de fermeture des commerces (Article L. 3134-4 du Code du travail issu du Code local des professions).

Concurremment aux règles du droit général fixées dans le Code de l’urbanisme, le maire dispose dans les trois départements de l’Est, en application de la loi locale du 7 novembre 1910, sur la base d’une autorisation du conseil municipal et après une procédure assez sommaire de consultation, du pouvoir de prendre un règlement municipal de construction dans l’intérêt de l’esthétique locale. Ce règlement peut comporter des règles relatives à l’implantation et à l’aspect des constructions.

La loi locale sur la police rurale du 9 juillet 1888 reste en vigueur (Décret du 25 novembre 1919 relative au maintien provisoire en Alsace et en Lorraine de certaines dispositions pénales). Plusieurs dispositions de cette loi, plutôt anecdotiques, sont donc encore en vigueur, seul l’Article 32 ayant été codifié (Article L. 2542-7 du CGCT). Dans les communes de plus de 25 000 habitants et assimilées, le maire nomme seul les gardes champêtres sans agrément du procureur de la République et du représentant de l’Etat.

Si en Alsace-Moselle les carrés confessionnels sont admis dans les cimetières (Article L. 2542-12 du CGCT), le maire y détient le pouvoir de décider de l’interconfessionnalité d’un cimetière (TA Strasbourg 2 octobre 1956). Le maire, lorsque le ministre d’un culte refuse son ministère pour l’inhumation d’un corps, peut commettre un autre ministre du même culte pour remplir ces fonctions (Article L. 2542-11 du CGCT). Il s’agit là d’une attribution qui semble bien être tombée en désuétude depuis fort longtemps.

Quel sera l’avenir du Droit Local communal ? Force est de reconnaître que le sujet ne suscite pas de passions. On peut ainsi relever que pas un article de la Revue du Droit Local ne lui est consacré depuis son premier numéro de janvier 1999. Certes, la nouvelle Commission du Droit Local d’Alsace-Moselle (Décret n°2014-52 du 23 janvier 2014 JORF 25 janvier 2014) venant en remplacement de la Commission d’harmonisation du droit privé, a désormais un champ d’intervention plus large lui permettant d’embrasser le droit public, mais il semblerait que les auteurs du texte ont pensé plutôt à la législation des cultes, aux finances communales, à la chasse, à la sécurité sociale et au Droit Local du travail qu’au Droit Local communal. De même, l’ordre du jour des récentes Assises du Droit Local, dont il est rendu compte dans la livraison de février 2015 de la revue précitée, ne comporte aucune référence à ce droit communal. La proposition de loi de septembre 2013, préparée par l’Institut du Droit Local, tendant à moderniser diverses dispositions de la législation applicable dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui a été pour l’essentiel rejetée par le parlement, a estimé important de moderniser le financement des corporations par les Chambres de Métiers, l’informatisation de la documentation cadastrale, le repos dominical ou encore de ressusciter la taxe des riverains. Mais point de Droit Local communal. Que peut-on en conclure ? Que les dispositions en cause, finalement très techniques et qui ne posent pas de problèmes d’application particuliers aux praticiens qui les connaissent, ne sont pas de nature à enflammer l’opinion publique contrairement à d’autres sujets plus médiatiques. Depuis la sauvegarde du caractère exécutoire de plein droit des actes administratifs dans le cadre de la décentralisation de 1982, la thématique n’offre plus matière à mobilisation. Ce n’est donc pas être grand clerc que de prédire que le patchwork du Droit Local communal ne sera certainement pas remis sur le métier avant longtemps.

Luc BARTMANN, Responsable du service juridique de la Ville de Strasbourg, en collaboration avec Bernard ZAHRA, Professeur de Droit en classe préparatoire à l’expertise comptable à Metz, pour le Groupe BLE Lorraine.

M. ZAHRA est l’auteur d’un livre de référence sur les spécificités d’Alsace-Moselle intitulé Le Droit Local d’Alsace-Moselle tel qu’ils le vivent (Editions Mettis).

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3 Commentaires

  1. Groupe BLE Lorraine

    15 juillet, 2017 à 14:12

    L’évolution du cadastre d’Alsace-Moselle constitue un exemple réussi d’une modernisation du Droit Local. Ce dernier avait pourtant perdu de sa force probante lorsque dans son arrêt du 17 juillet 1968 la Cour de Cassation l’avait amputé. La situation a été corrigée par la loi du 6 mars 2017 qui a modifié la loi locale du 31 mars 1884 sur un point technique, à savoir la prescription acquisitive. Désormais, on peut à nouveau être juridiquement propriétaire d’un bien immeuble après trente ans si on s’en est occupé comme si on l’était et même si ce bien sort du registre cadastral. Cette force probante retrouvée conforte donc la sécurité juridique des opérations portant sur les immeubles situés en Moselle.

    A noter que le cadastre d’Alsace-Moselle se lance dans un autre projet de modernisation, à savoir sa numérisation.

  2. RICOU

    13 juin, 2019 à 9:18

    Pas de conciliation sur un problème de droit de passage inscrit sur 2 parcelles numérotées mais non inscrites au livre foncier??) Mais figurant sur le plan de L EXTRAIT DU LIVRE FONCIER) depuis plus de 30 ans ..ce qui permettait le nettoyage des tuyaux d eau pluviales et usees..on nous refuse aujourd hui l accès de ces terrains depuis 1959) ..N.B la porte d accès existe toujours…i
    Il nous est impossible aujourd hui d effectuer des travaux de mise aux normes et en plus ce voisin a érigé un garage sur notre mur ignon avec une pente inversé vers notre pignon et celui ci a pourri le dit pignon..et la maison a été innondée 5 fois….car en construisant son garage, ce voisin a cassé les tuyaux…QUE FAIRE.. ? le droit du sol existait depuis 1959..ce droit local existe t il toujours.??.c est à AMANVILLERS..PLU EN COURS..?

  3. Groupe BLE Lorraine

    26 juin, 2019 à 20:27

    Merci de votre commentaire. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d’une question de Droit Local, mais je préfère laisser la réponse à l’Institut du Droit Local que vous pouvez contacter au 03 88 35 55 22.

    Bernard ZAHRA pour le Groupe BLE Lorraine.

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