Thomas Riboulet, Président du Groupe BLE Lorraine, monte au créneau et analyse la situation actuelle du Groupe et de la Lorraine dans le contexte de fusion des régions.
Président, comment se porte le Groupe BLE Lorraine en ce début d’année 2015 ?
Thomas Riboulet, Président du Groupe BLE Lorraine : « Le Groupe BLE Lorraine est sur une dynamique de croissance. Les objectifs de fréquentation de nos sites ont été atteints en 2014. Nous allons poursuivre cette année notre développement. Nous portons pour cela plusieurs projets d’investissements pour continuer à grandir dans un souci constant de qualité. Par ailleurs, l’équipe s’est étoffée avec l’arrivée de nouveaux contributeurs.
Pour le Président, la situation socioéconomique actuelle de la Lorraine est le résultat de politiques successives désastreuses (Crédits photo : Groupe BLE Lorraine)
Sur le plan sportif, les résultats du Groupe BLE Lorraine FC ont été satisfaisants la saison dernière avec l’obtention de deux titres mineurs à Garche et à Grostenquin. Il y a néanmoins encore une belle marge de progression.
Il est clair que le Groupe BLE Lorraine est atypique et unique en son genre en Lorraine et même au-delà. Il faut néanmoins savoir qu’il a énormément évolué depuis sa création en 2008. De contributeurs anonymes, il a en effet pris le virage d’une transparence presque sans équivalent dans le paysage médiatique lorrain. Nous sommes par exemple les seuls à communiquer sur notre fréquentation. Nos valeurs sont néanmoins restées toujours les mêmes, à savoir excellence, indépendance et passion. Elles constituent notre ADN et le socle de notre engagement. »
Comment jugez-vous la situation actuelle de la Lorraine ?
« Il faut bien se rendre à l’évidence que la Lorraine est actuellement dans l’impasse. Malgré quelques grandes réalisations symboliques palliatives comme le Centre Pompidou-Metz, le Center Parcs des Trois Forêts ou encore le nouveau Centre des Congrès de Nancy, elle reste figée dans le chômage de masse, la précarité et les querelles de clochers d’élus dépassés et mués par la satisfaction de leur seul intérêt personnel. La situation actuelle de la Lorraine est le résultat de plusieurs décennies de politiques désastreuses depuis la fin de la sidérurgie, dont la gestion a été calamiteuse, avec notamment la condamnation de toute future exploitation minière par l’ennoyage. Les pseudos reconversions proposées nous ont fait passer d’une mono-industrie à une autre, avec tous les travers que cela peut engendrer. Nous ne pouvons aujourd’hui que constater l’ampleur de l’échec des élus régionaux de tout bord, incapables de s’unir dans les moments cruciaux et d’avoir une vision à long terme. Aux errements de ceux-ci s’est ajouté l’impact des arbitrages contestables des gouvernements français successifs, dont les derniers exemples en date ont été particulièrement violents, notamment socialement, avec la fermeture de Gandrange, l’arrêt définitif des hauts-fourneaux de Hayange et les restructurations militaires. Après avoir exploité les ressources de la Lorraine comme une colonie pour se reconstruire après la Seconde Guerre mondiale, la France l’a laissée tomber comme si c’était une pestiférée en lui refilant en prime ses pires déchets nucléaires pour les enterrer à Bure dans un déni total de démocratie.
On comprend dès lors que toute initiative et que toute solution ne pourront venir que de l’intérieur. On ne peut malheureusement aujourd’hui plus compter sur la solidarité de nos voisins et de la France. La situation de la Lorraine est extrêmement frustrante car notre territoire possède toutes les cartes pour s’en sortir et retrouver le rayonnement qui devrait être le sien. Mais à force de gâcher et de gaspiller des occasions immanquables de se relever, cette situation devient de plus en plus précaire. Au risque d’atteindre un point de non-retour ? Cela dit, il n’est jamais trop tard pour se réveiller et se poser les bonnes questions. La résignation n’a jamais permis d’inverser la tendance.
L’heure est grave. Après la Guerre de Trente Ans, la Guerre de 1870-1871, les deux guerres mondiales et les restructurations en tout genre dans son industrie ayant conduit à la suppression de dizaines de milliers d’emplois, la Lorraine vit sans doute l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Engluée dans une dépression socioéconomique depuis 2008, voilà maintenant qu’elle s’apprête à perdre son statut administratif pour être diluée dans un ensemble artificiel dénué de sens, pur produit de l’imagination folklorique des têtes pensantes parisiennes. C’est terrible. »
Justement, la fusion parlons-en. Quel regard et quelle analyse portez-vous dessus ? Le Groupe devra-t-il évolué en conséquence ?
« Le pouvoir central affirme que la fusion des régions entrainera des économies. Mais rien ne nous permet actuellement de les appréhender objectivement. Je crois même sincèrement que tout ceci coûtera plus cher en définitive. Là, le périmètre va juste être agrandi sans que ne soit réduit proportionnellement le nombre d’élus du conseil régional de la nouvelle région. Il aurait été nettement plus logique et plus efficient de conserver les régions actuelles et de supprimer les départements pour former des conseils uniques. En Lorraine, cela aurait déjà permis d’économiser durablement quatre conseils départementaux, soit les indemnités de 157 conseillers généraux !
Par ailleurs, les régions s’apprêtent à fusionner sans connaître les compétences et les ressources fiscales qui leur seront confiées. Cela vaut également pour les départements. Le tout à moins d’un mois des élections départementales. On nage en plein délire !
Le gouvernement français a décidé sans concerter la population, qui reste tout de même la première concernée par ce changement, de fusionner la Lorraine avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne, en reniant les spécificités de chaque territoire. Cette façon de procédé, antidémocratique, pose à mon sens un grave problème de légitimité et d’appropriation. La fameuse idée de la taille critique pour rivaliser à l’échelle continentale n’a pas plus de sens ici. La Lorraine représente les trois quarts de la Belgique et est plus grande que certains Länder allemands. Il ne s’agit pas d’un problème de taille mais encore une fois de compétences. De son côté, la Corse, peuplée de 320 000 habitants, a le droit de rester seule. Cherchez l’erreur !
Tout ceci m’amène donc à penser que cette nouvelle carte des régions n’est le fruit que de marchandages politiques éloignés de toute logique économique et territoriale. Ce charcutage régional n’est qu’une caricature de démocratie et de décentralisation. Il est temps que les Lorrains prennent conscience qu’ils sont pris pour des cons depuis des décennies, aussi bien par les gouvernements français successifs, que par les élus régionaux.
Un « vrai » Lorrain ne pourra jamais, au fond de lui, accepter la fusion imposée de la Lorraine avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne. Il est inadmissible que la Lorraine soit diluée dans un tel ensemble créé de toute pièce simplement pour que M. Hollande laisse une trace de son quinquennat à la postérité. Fusion ou pas, nous continuerons d’incarner la Lorraine. Le contexte actuel doit marquer le retour d’un Groupe BLE Lorraine à l’esprit « combattant ». Nous ne nous dérobons pas. Nous assumons notre rôle de leadership de la contestation de la fusion en Lorraine. Des annonces seront prochainement faites à ce sujet. »
Groupe BLE Lorraine
20 novembre, 2015 à 23:08
Les élus ont un devoir d’imagination et d’anticipation. Or, celui-ci est le plus souvent en panne. C’est une faute politique. Si les idées font défaut aux élus et à ceux qui les entourent, c’est regrettable. Mais si de surcroît ils ne savent ni les débusquer, ni les encourager, cela devient coupable. Les discours ont leur limite. Place aux actes. L’audace est de rigueur. En Lorraine plus qu’ailleurs.