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Le Vendredi Saint en Moselle

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Le Droit Local du repos dominical et des jours fériés est issu du Code Local des professions, lequel résulte d’une loi d’Empire du 26 juillet 1900. Ces dispositions figurent maintenant dans le nouveau Code du travail entré en vigueur le 1er mai 2008. Grâce au lendemain de Noël et au Vendredi Saint, les Alsaciens et les Mosellans sont en principe au repos le 26 décembre et le vendredi qui précède Pâques. Rappelons cependant la réglementation particulière du Vendredi Saint en Moselle.

Rue Serpenoise Metz

Commerces Rue Serpenoise à Metz (Crédits photo : Google Street View)

I). Le principe du repos des salariés.

Le Droit Local prévoit une législation identique pour les jours fériés et le dimanche. Le principe en Moselle est l’interdiction d’emploi de salariés dans l’industrie et le commerce sauf dérogations. Par rapport au droit général qui compte onze jours fériés, il existe en Alsace-Moselle deux jours supplémentaires : le deuxième jour de Noël (« der zweite Weihnachstag ») et dans les communes ayant un temple protestant ou une église mixte, le Vendredi Saint (« sowie in denjenigen Gemeinden, in welchen sich eine protestantische Kirche oder eine Simultankirche befindet, Karfreitag »). Tous les jours fériés en Alsace-Moselle sont des jours fériés chômés de par la loi. En droit général, seul le 1er mai est un jour férié chômé légal. L’emploi des salariés les autres jours fériés est donc autorisé sauf dispositions conventionnelles.

II). L’ordonnance du 16 août 1892.

Selon les termes de cette ordonnance repris par l’article L.3134-13 du Code du travail, le Vendredi Saint n’est férié que dans les communes où il existe un temple protestant ou une église mixte. L’église mixte ou « simultaneum » est issue d’une réglementation instaurée par Louis XIV qui permettait aux catholiques d’utiliser alternativement avec les protestants leurs temples, afin d’y faciliter la pénétration catholique.

Le Vendredi Saint, qui commémore la crucifixion du Christ, est une fête religieuse importante chez les Chrétiens et tout particulièrement chez les protestants luthériens. C’est la raison pour laquelle, en France, ce jour n’est férié que dans les communes où se trouve un temple protestant ou une église mixte. Les catholiques quant à eux attendent davantage la veillée pascale et donc la résurrection du Christ pour laisser éclater leur joie.

Cela dit, trois précisions s’imposent :

- En Droit Local, les deux cultes protestants reconnus sont l’Eglise Protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (église luthérienne) et l’Eglise Protestante Réformée d’Alsace et de Lorraine (église calviniste). Les luthériens préfèrent nommer leurs lieux de culte églises protestantes plutôt que temples.

- Les églises mixtes sont rares en Alsace. Il est interdit d’en construire de nouvelles et seul l’usage des préexistantes est autorisé. Il n’y a pas d’église mixte en Moselle.

- En Alsace, les usages font que l’on considère le Vendredi Saint comme férié, indépendamment de l’existence ou non d’un temple protestant ou d’une église mixte.

III). Le Vendredi Saint, jour férié ou non en Moselle.

La réglementation du Vendredi Saint concerne les activités de l’industrie et du commerce. Pour les activités ne relevant pas du commerce et de l’industrie, il n’y a pas de réglementation applicable en la matière. Si pour l’industrie, la détermination du jour férié relève de la règle d’origine, à savoir l’existence d’un temple protestant ou d’une église mixte, il en va tout autrement pour le commerce.

Dans un souci de régulation de la concurrence, une loi du 31 décembre 1989 (amendement Masson) permet au préfet de Moselle d’autoriser ou d’interdire l’ouverture des commerces dans l’ensemble des communes du département, indépendamment de la présence d’un temple protestant ou d’une église mixte. Il est à noter que ce pouvoir donné au préfet n’introduit pas de modification de fond quant à la nature du Vendredi Saint : il n’est jour férié légal que dans les communes possédant un temple protestant ou une église mixte.

Depuis 1990, le préfet a toujours interdit l’ouverture des commerces en Moselle. L’arrêté du 9 avril 2019 prévoit néanmoins dans son Article 3 les dérogations permanentes d’ouverture stipulées dans l’arrêté préfectoral du 28 mai 2015 pour les stations-services et services de dépannage d’urgence, les débits de tabacs, la vente de journaux, la vente de fleurs naturelles, les boulangeries, les pâtisseries et les glaciers, les brocanteurs, les antiquaires, les bouquinistes, les commerces de souvenirs et de produits artisanaux locaux, les commerces d’artisanat d’art et les galeries d’art, les loueurs de véhicules et de cycles, les cybercafés, les sandwicheries et les commerces de restauration à emporter, les commerces d’alimentation générale d’une superficie inférieure ou égale à 200 mètres carrés jusqu’à 13 heures, ainsi que les marchés de denrées alimentaires, fleurs et produits manufacturés jusqu’à 13 heures également. L’Article 4 de l’arrêté du 9 avril 2019 autorise aussi l’ouverture des salons de coiffure, mais uniquement de 8 heures à 13 heures.

Les incidences sur la rémunération ne sont pas négligeables et sont donc fonction de l’existence ou non d’un temple protestant dans la commune, ainsi que des dispositions de la convention collective applicable dans la branche professionnelle.

Quatre cas de figures sont possibles :

- Le commerce se situe dans une commune à temple et le salarié travaille dans le cadre des dérogations autorisées. Le Vendredi Saint est un jour férié légal. Les heures de travail effectuées ce jour-là, comme celles qui sont effectuées n’importe quel autre jour férié à l’exception du 1er mai, n’ouvrent droit à majoration que si les conventions collectives ou le contrat de travail le prévoient. Le Droit Local ne prévoit en effet aucune majoration.

- Le commerce se situe dans une commune à temple et le salarié ne travaille pas. Si le salarié est mensualisé, il ne subira aucune réduction de sa rémunération. S’il est payé à l’heure, il n’est pas indemnisé.

- Le commerce se situe dans une commune sans temple et le salarié travaille dans le cadre des dérogations autorisées. Le Vendredi Saint est un jour normal de travail et le salarié est payé normalement.

- Le commerce se situe dans une commune sans temple et le salarié ne travaille pas. Ici, la règle de la mensualisation ne s’applique pas. Le maintien du salaire, qui n’est pas obligatoire, est cependant recommandé par l’Inspection du Travail, avec une éventuelle possibilité de récupération.

Précisions supplémentaires : d’après la jurisprudence, la présence d’un temple ou d’une église mixte s’apprécie par rapport au lieu de travail effectif du salarié et non par rapport à son domicile ou au siège de l’entreprise. Même si la loi sur la journée de solidarité autorise par dérogation le travail des salariés les jours fériés, sont exclus de ce dispositif en Alsace- Moselle : le 1er mai, le Vendredi Saint, ainsi que le 25 et le 26 décembre. En outre, il n’est pas possible de positionner un jour de RTT (Réduction du Temps de Travail) sur un jour férié.

La complexité de cette réglementation aboutit à de nombreuses interprétations divergentes. En Moselle, département qui compte plus de 700 communes, on recense cinquante temples protestants et annexes faisant office d’édifices du culte. D’où un problème juridique supplémentaire : les annexes, une dizaine environ, sont-elles considérées vraiment comme édifices du culte ? En conclusion, la suppression de la référence à l’existence d’un temple protestant ou d’une église mixte ne serait-elle pas une solution pour résoudre ce casse-tête juridique ?

Bernard ZAHRA, Professeur de Droit en classe préparatoire à l’expertise comptable à Metz, pour le Groupe BLE Lorraine.

M. ZAHRA est l’auteur d’un livre de référence sur les spécificités d’Alsace-Moselle : A la découverte du Droit Local d’Alsace-Moselle (Editions Fensch Vallée).

Retrouvez d’autres articles sur le Droit Local en Moselle sur BLE Fondation.

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5 Commentaires

  1. Groupe BLE Lorraine

    11 avril, 2017 à 20:45

    Depuis 1990, le préfet a toujours interdit l’ouverture des commerces en Moselle. L’arrêté du 16 mars 2016 prévoit néanmoins dans ses articles 3 et 4 des dérogations d’ouverture pour les stations-services et services de dépannage d’urgence ; les débits de tabacs ; la vente de journaux ; la vente de fleurs naturelles ; les boulangeries ; les pâtissiers et les glaciers ; les brocanteurs, antiquaires et bouquinistes ; les commerces de souvenirs et de produits artisanaux locaux ; les commerces d’artisanat d’art et les galeries d’art ; les loueurs de véhicules et de cycles ; les commerces dans les gares ; les cybercafés ; les sandwicheries et les commerces de restauration à emporter ; les commerces d’alimentation générale d’une superficie inférieure ou égale à 200 mètres carrés jusqu’à 13 heures ; l’organisation de marchés de denrées alimentaires, fleurs et produits manufacturés jusqu’à 13 heures, ainsi que les salons de coiffure mais uniquement de 8 heures à 13 heures pour ces derniers.

  2. cimatti

    21 avril, 2019 à 19:34

    bonjour nous recherchons les textes qui régissent les conseils de fabrique,les prérogatives du conseil et du curé quant à certaines décisions:ex une chorale connue et reconnue présente une liste de chants et des chants habituels sont censurés malgré l’avis favorable du conseil( tout très convenables),autre cas le curé ne donne pas le contrat signé peut on qd même chanter???ai su par un président de conseil que la décision était souvent collégiale,dites moi aussi si le maire doit donner son avis ?puisque il fait partie de fait du conseil.Où peut on trouver les articles de loi?merci

  3. Groupe BLE Lorraine

    22 avril, 2019 à 11:27

    Bonjour,

    Merci de votre message.

    Vous trouverez sur cette page toutes les fiches publiées relatives au Droit Local : http://blefondation.e-monsite.com/pages/cercle-de-reflexion/droit-local.html.

    Bien à vous,

    Le Groupe BLE Lorraine.

  4. Groupe BLE Lorraine

    7 avril, 2020 à 22:17

    L’ouverture des commerces sera limitée en Moselle le Vendredi Saint 10 avril 2020. En effet, l’arrêté préfectoral du 7 avril autorise uniquement en cette période de lutte contre la propagation du coronavirus Covid-19 l’ouverture des commerces suivants : les stations-services et les services de dépannage d’urgence, les débits de tabacs, la vente de journaux, les boulangeries, les pâtisseries et les glaciers, les loueurs de véhicules et de cycles, les sandwicheries et les commerces de restauration à emporter, les commerces d’alimentation générale d’une superficie égale ou inférieure à 200 mètres carrés jusqu’à 13 heures et les marchés de denrées alimentaires jusqu’à 13 heures également.

    Bernard ZAHRA, Professeur de Droit en classe préparatoire à l’expertise comptable à Metz, pour le Groupe BLE Lorraine.

  5. Groupe BLE Lorraine

    10 avril, 2021 à 12:01

    Autorisation d’ouverture des commerces en Moselle le Vendredi Saint 2 avril 2021 : en Moselle, le préfet peut depuis 1989 décider d’autoriser ou d’interdire l’ouverture des commerces le Vendredi Saint indépendamment de la présence d’un temple ou d’une église mixte. Depuis 1990, le préfet de Moselle a toujours décidé d’interdire l’ouverture des commerces en Moselle, mis à part quelques dérogations permanentes et la dérogation exceptionnelle des salons de coiffure. L’arrêté préfectoral du 23 mars 2021 allait dans la ligne habituelle de l’interdiction d’ouverture des commerces en Moselle, le Vendredi Saint. Mais à la suite des annonces du Président de la République du 31 mars imposant la fermeture de nombreux commerces à compter du 3 avril en raison des conditions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19 et après la demande de la Fédération des Commerçants de Metz, le préfet a abrogé son arrêté initial du 23 mars. Par un arrêté du 1 avril (Arrêté DCAT/BCPI/N°20), le préfet a ainsi opéré une première en autorisant tous les commerces à ouvrir le Vendredi Saint, 2 avril, dans la limite de dix heures et pas au-delà de 18h30. Seuls les centres commerciaux non alimentaires d’une superficie supérieure ou égale à 10 000 mètres carrés devaient restés fermés. Si cet arrêté d’autorisation d’ouverture des commerces reste novateur en Moselle et n’est pas contestable légalement, on peut s’interroger sur le bien-fondé de cette décision si tardive qui n’a pas vraiment convaincu de nombreux commerçants qui ont décidé de laisser leurs rideaux baissés.

    Bernard ZAHRA, Professeur de Droit en classe préparatoire à l’expertise comptable à Metz, pour le Groupe BLE Lorraine.

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