Certains souhaitent assouplir la législation sur le travail du dimanche pour le commerce. Que faut-il penser de cette proposition au regard du Droit Local alsacien-mosellan ?
Pour l’opinion publique, la fermeture dominicale est mieux assurée en Alsace-Moselle que dans le reste de la France. Pour le juriste, c’est l’inverse qui est exact. La loi locale va moins loin que le Droit général en matière d’obligation de fermeture. Cette fermeture est effective dans les trois départements de l’Est par des « statuts locaux ». En Moselle, il s’agit de deux arrêtés préfectoraux du 17 juillet 1956. C’est l’existence de ces derniers qui constitue la principale différence entre le Droit général et le Droit Local.
Certaines dispositions du Droit Local concernent le repos dominical
Le Droit Local ne consacre pas le principe de la fermeture dominicale. Le code local des professions, introduit dans le nouveau Code du Travail se borne à limiter à 5 heures la durée d’emploi des salariés dans les commerces le dimanche et à renvoyer à des éventuels « statuts locaux » pour une réglementation plus sévère du repos dominical, sauf en ce qui concerne les jours de Noël, de Pâques et de Pentecôte, où le repos doit être complet.
Les dispositions de Droit Local prévoient également une corrélation totale entre le non-emploi des salariés dans le commerce le dimanche et la fermeture de ces commerces, alors même qu’aucun salarié n’y serait employé. En fait, l’interdiction de recourir à des salariés entraîne l’interdiction de toute activité commerciale même sans salarié. En Moselle, compte-tenu des arrêtés préfectoraux de 1956, il y a donc dans le commerce une interdiction générale d’ouverture et d’emploi de salariés le dimanche et les jours fériés.
Le Droit Local se caractérise enfin par une structure très complexe d’exceptions et de dérogations à la règle du repos dominical dans les commerces. Les exceptions prévues par les statuts locaux de la Moselle touchent les pharmacies, les débits de tabac, les marchands de journaux, les hôtels et restaurants, les cafés, les entreprises de spectacles, les entreprises de transport, les pâtisseries et les fleuristes. Les dérogations proprement dites concernent les dérogations de droit, comme un inventaire légal pour un dimanche, ainsi que les dérogations soumises à autorisation. Seules deux catégories de dérogations ont un impact significatif sur les commerces. Tout d’abord, le maire, sauf à Metz où il s’agit du préfet, peut autoriser le travail les quatre dimanches avant Noël, ainsi que certains dimanches ou jours fériés pour lesquels les circonstances locales rendent nécessaire une activité accrue. Dans ce cadre, l’ouverture des commerces et l’emploi des salariés est permis pendant 10 heures au plus. Le préfet peut également autoriser l’ouverture de catégories de commerces, dont l’activité est nécessaire à la satisfaction des besoins de la population, qui présentent un caractère journalier ou particulier. On retrouve par exemple un arrêté préfectoral de 1969 sur l’ouverture des boulangeries les dimanches et jours fériés ou un arrêté préfectoral intervenant chaque année en Moselle qui autorise l’ouverture les dimanches et jours fériés, le matin, de commerces d’alimentation de détail pendant la saison touristique de juin à septembre. Rappelons que le Droit Local ne prévoit ni majoration de salaire ni repos compensateurs particuliers pour les salariés autorisés à travailler le dimanche.
A la lumière de la présentation de la législation locale, nous pouvons remarquer que le Droit Local n’est pas strictement respecté puisqu’un nombre important de petits commerces alimentaires, avec ou sans salarié, restent ouverts le dimanche en Moselle en toute illégalité. Nous observons également des « accords » à la légalité douteuse qui permettent l’ouverture des commerces les dimanches et jours fériés, comme celui qui autorise les concessionnaires automobiles à organiser quatre fois par an des « portes ouvertes » avec vente le dimanche.
Si l’évolution sociétale devait être favorable à l’ouverture des commerces les dimanches, aucune disposition française nouvelle ne serait nécessaire en Moselle puisque trois leviers pourraient être utilisés. Primo, les statuts locaux, c’est-à-dire les arrêtés préfectoraux de 1956, pourraient théoriquement renoncer à la règle du repos dominical et permettre l’ouverture des commerces dans la limite des 5 heures. Aujourd’hui, seule une délibération du Conseil Général de la Moselle peut modifier les statuts locaux. Deuxio, le recours à la dérogation préfectorale sur l’ouverture des catégories de commerce pour la satisfaction des besoins de la population pourrait être appliqué de façon plus souple, en particulier pour la distribution d’essence au détail ou encore les commerces de denrées alimentaires assurés par des commerces de proximité de moins de 120 mètres carrés. Tertio, la jurisprudence récente sur la dérogation municipale fondée sur « les circonstances locales rendant nécessaire une activité accrue » devrait également faciliter l’ouverture exceptionnelle des commerces le dimanche, par exemple lors d’une manifestation avec gratuité des transports collectifs, d’un accès gratuit à divers édifices publics ou de la mise en place d’animations festives et musicales en ville.
En conclusion, avant d’entrevoir une nouvelle législation, il serait bon de faire appliquer la législation locale en vigueur par un contrôle juridictionnel efficace, afin d’éviter certains abus. Il serait alors temps ensuite de réfléchir à la prise en compte de certaines évolutions.
Bernard ZAHRA, Professeur de Droit en classe préparatoire à l’expertise comptable à Metz, pour le Groupe BLE Lorraine.
M. ZAHRA est l’auteur d’un livre de référence sur les spécificités d’Alsace-Moselle : A la découverte du Droit Local d’Alsace-Moselle (Editions Fensch Vallée).
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Groupe BLE Lorraine
19 janvier, 2015 à 23:21
En Alsace-Moselle, il est interdit de travailler les dimanches et jours fériés dans les commerces, à l’exception de dérogations qui concernant historiquement les pharmacies, les débits de tabac et les journaux, les hôtels-cafés-restaurants, les spectacles, les transports et les pâtisseries. Trois arrêtés supplémentaires ont permis d’ajouter à la liste les fleuristes en 1956, les boulangeries en 1969 et la vente de souvenirs en 1992. Les épiceries ouvertes le dimanche le sont donc en toute illégalité, sauf en période estivale suite à un arrêté préfectoral.
La décision d’autoriser les commerçants à ouvrir les quatre dimanches précédant Noël revient aux municipalités. À l’exception de la ville de Metz, où le référent est le préfet. Celui-ci a refusé le quatrième dimanche aux commerçants messins, comme il a refusé la demande d’ouverture du premier dimanche des soldes, le 5 janvier, alors que les commerces nancéiens seront ouverts ce jour-là. En 2013, les commerçants des villes de Creutzwald, Dieuze, Forbach, Freyming-Merlebach, Hettange-Grande, Mondelange, Montigny-lès-Metz, Sarreguemines, Semécourt et Saint-Avold ont eu droit à quatre dimanches, par arrêté municipal.
Groupe BLE Lorraine
6 juin, 2015 à 18:39
La préfecture a publié l’arrêté autorisant certaines catégories de commerces à déroger au régime local du repos dominical et des jours fériés. Les dérogations actuelles ont été reconduites. Elles concernent les pharmacies, les débits de tabac, la vente de journaux, la vente de fleurs naturelles, les boulangeries, les pâtisseries, les spectacles, les transports, les hôtels, les cafés et les restaurants. La liste a été complétée, afin de « répondre aux besoins de la population les dimanches et jours fériés et au développement touristique du département de la Moselle ». Si bien qu’on retrouve désormais les stations-service et les services de dépannage d’urgence, les brocanteurs, les antiquaires et les bouquinistes, les commerces de souvenirs et de produits artisanaux locaux, les commerces d’artisanat d’art et les galeries d’art, les loueurs de véhicules et de cycles, les commerces dans les gares, les cybercafés, les sandwicheries, ainsi que les commerces de restauration à emporter. L’organisation de marchés de denrées alimentaires, de fleurs et de produits manufacturés est également autorisée jusqu’à 13 h. Quant à l’autorisation d’ouvrir les commerces d’alimentation générale, mise en place en 2014 jusqu’à 120 mètres carrés, elle est désormais accordée jusqu’à 200 mètres carrés.
L’ensemble des arrêtés préfectoraux précédant cet arrêté est abrogé. Ce bouleversement fait suite au jugement du Tribunal Administratif de Strasbourg qui avait déclaré illégal l’arrêté préfectoral de 1956 régissant la question des ouvertures exceptionnelles le dimanche. Il avait été pris par le préfet de l’époque, jugé plus d’un demi-siècle plus tard incompétent, la tâche relevant en effet du Conseil départemental. Celui-ci a statué le 18 mai dernier. Il a fait passer de 4 à 6 le nombre d’ouvertures exceptionnelles le dimanche en Moselle : les quatre avant Noël et le premier de chaque période de soldes (exception faite pour les concessionnaires automobiles).