Lorry-Mardigny, paisible village typique du Sud Messin, possède deux églises romanes : Sainte-Croix à Lorry et Saint-Laurent à Mardigny. Edifiées au XIIème siècle, elles ont subi d’importantes transformations au fil du temps et des aléas de l’histoire.
Eglise fortifiée de Lorry (Crédits photo : Anthony Koenig)
Lorry-Mardigny est blotti à l’ombre des Côtes de Moselle, en Pays Messin. Au Moyen-âge, Lorry était un village prospère. La vigne nécessitait beaucoup de main-d’œuvre. Les travaux s’y étalaient toute l’année. Depuis, des rangs de vigne plantée il y a plus d’une vingtaine d’années par un viticulteur champenois poussent à nouveau à flanc de coteau. Cette vigne, qui bénéfice d’une exposition quasiment plein Sud, a remplacé celle qui existait partout sur les Côtes de Moselle, il y a cent ans. Les dernières vendanges commercialisées ont eu lieu en 1956. A l’Ouest, le versant planté de résineux dissimulent les pelouses calcaires (moutote) où poussaient des orchidées sauvages. De l’autre côté de la côte, on plonge sur la Moselle avec en face Pagny et au-dessus Prény et son château des Ducs de Lorraine.
L’église Sainte-Croix était l’église mère. Les grands événements, comme les fêtes religieuses, les mariages et les enterrements, s’y déroulaient. L’église de Madigny était une succursale. Elle ne possédait pas de cimetière. Au XIIème siècle, l’église Sainte-Croix n’avait qu’une seule nef, une tour carrée et une abside. Devenue trop exigüe, une seconde nef fut ajoutée au XIIIème siècle, ce qui doubla pratiquement la capacité d’accueil de l’édifice.
A cette époque, les Ducs de Lorraine empruntaient de l’argent qu’ils ne rendaient pas forcément. Il y eut par conséquent de nombreuses guerres entre le XIIème et le XVème siècle entre Metz et Nancy. Ces guerres pour rien sont dites de la « hottée de pommes ». C’est dans ce contexte que furent construites à partir du XIVème siècle de nombreuses églises fortifiées dans le Pays Messin. Ces bâtiments avaient une double fonction. Outre leur rôle cultuel, elles permettaient aux habitants de se réfugier en l’absence de château. A Lorry, l’église est surélevée d’un étage pour accueillir la population. Une fois les villageois à l’abri, les troupeaux étaient amenés dans le cimetière et on ramassait tout ce qui avait de la valeur. Les cloches sonnaient à tout va pour que de proche en proche Metz soit alerté et se prépare à l’attaque. Les portes de la ville étaient alors fermées.
GARNIER
23 janvier, 2013 à 0:50
Quelques photos en ligne des églises de Lorry-Mardigny:
https://sites.google.com/site/lorraineromane/lorry
bloggerslorrainsengages
8 septembre, 2013 à 20:44
Indépendantes l’une de l’autre, les communes de Lorry et de Mardigny furent réunies en 1810 par Napoléon. Auparavant, elles faisaient déjà partie d’une même paroisse qui était desservie par un même curé. Les populations dépendaient de seigneurs différents, même si ils étaient tous les deux soumis à l’autorité de la cathédrale de Metz. Lorry, situé à flanc d’un coteau et orienté au Sud, se consacrait à la vigne. Mardigny, un peu plus sur la plaine, était peuplé de paysans qui élevaient des animaux et cultivaient des céréales. La Réforme arriva à Metz en 1542. Les premières traces de l’implantation de ses courants à Lorry remontent à 1563. En 1585, la présence d’un pasteur est attestée. La communauté semble importante, puisqu’elle disposait d’une école avant 1569. Au début du siècle suivant, un dixième des actes portés dans les registres paroissiaux protestants du Pays Messin, qui comprend entre trente et quarante communes, concernaient Lorry. Les vignerons sont en effet plus indépendants d’esprit et économiquement plus puissants que les agriculteurs traditionnels. C’est peut-être pour cette raison qu’une forte communauté protestante a vu le jour à Lorry, Mardigny restant catholique. Les guerres de religion n’épargnèrent pas la Lorraine. La Chronique Rimée de Metz raconte qu’en janvier 1590, des gens d’armes vinrent de Pont-à-Mousson « pour aller piller le village de Lorry […]. Il y avait alors quelques habitants qui faisaient profession de la religion réformée. Les soldats auraient rôti un vieil homme et auraient découpé à d’autres les oreilles ». Ces affrontements s’inscrivent dans le cadre des luttes entre le Duché de Bar et de Lorraine, dont dépend Pont-à-Mousson, et la Ville libre de Metz, qui contrôle Lorry et Mardigny. Ce dernier village fut d’ailleurs attaqué trois mois après Lorry. Mais à Mardigny, la Réforme ne pris pas. Pourtant, en 1651, un noble protestant acheta la seigneurie. Il installa un meunier et un jardinier protestants sur son domaine, mais la population resta très majoritairement fidèle au catholicisme. Comme ce seigneur célébrait le culte dans la chapelle située dans la tour carrée de son château, lorsque d’importants travaux furent menés en 1698 dans la petite église de Mardigny, plutôt que d’aller écouter la messe à Lorry, les habitants choisirent « de réconcilier la chapelle du château avec la religion catholique ». La chapelle fut donc bénie par le curé de la paroisse. En 1639, 70 % des habitants de Lorry étaient protestants. Ils n’étaient plus que 30 % en novembre 1685. L’hostilité de Louis XIV, proclamée par la révocation de l’édit de Nantes en octobre 1685, ne fut pas étrangère à ce déclin. Certaines familles ont préféré partir, d’autres abjurer. Si bien que la communauté protestante s’étiola. En 1770, il n’y avait plus aucun protestant à Lorry. Malgré cela, Lorry a toujours été plus peuplé que Mardigny, peut-être parce que la vigne demande plus de bras tout au long de l’année que le travail de la terre. L’unité utilisée pour quantifier les surfaces par rapport au travail jusqu’à la révolution française est d’ailleurs explicite : « un jour de vigne correspond à un tiers de jour de terre ». Aujourd’hui, plus qu’un seul vigneron anime la tradition viticole de Lorry.