Bure, village de moins de 100 habitants situé à l’extrême Sud de la Meuse, a dernièrement inauguré une salle des fêtes flambant neuve. La commune s’apprête également à lancer la construction d’un hôtel-restaurant de 14 chambres. Ces équipements font en fait partie de l’accompagnement économique d’un territoire qui a accepté d’accueillir les cochonneries nucléaires de la France entière.
Déchets nucléaires (Crédits photo : geo.fr)
Si certaines organisations, comme le Groupe BLE Lorraine, continuent de contester le projet, les réticences restent assez faibles, compte tenu des retombées économiques, notamment en termes d’emploi, et de la manne financière que cela représente. Les responsables économiques locaux souhaitent en effet l’installation et le développement d’une filière industrielle centrée autour des métiers du nucléaire. Il faut dire qu’avec l’argent du nucléaire, les « volontaires » ont eu 80 % de subventions pour refaire leurs façades. Tous les ans, chacun a un bon de 35 euros pour fleurir devant sa maison.
Depuis 2005, il existe un pseudo laboratoire souterrain chargé de vérifier la faisabilité du projet. C’est seulement après le débat public en 2013 et la décision politique de créer ou non un centre de stockage en 2016, que pourraient commencer les travaux pour un montant, au bas mot, de 15 milliards d’euros.
Depuis 2000, les producteurs des futurs déchets nucléaires sont tenus de payer une taxe qu’un Groupement d’Intérêt Public (GIP) pour la Meuse reversent ensuite à des projets locaux qui y postulent. Ces fonds, qui proviennent à 78 % d’EDF, à 17 % du Comité à l’Energie Atomique (CEA) et à 5 % d’Areva, sont de plus en plus importants. Depuis l’an dernier, ils atteignent 30 millions d’euros par an. Ils permettent de financer la réhabilitation et la construction de locaux d’entreprises, de logements, de routes ou encore récemment d’une unité Alzheimer. Certaines communes deviennent même dangereusement dépendantes des fonds du GIP pour leurs projets, à l’image de Bar-le-Duc, qui finance un tiers de sa nouvelle gare multimodale, la requalification de son centre-ville et son festival Renaissance grâce à ces fonds. L’argent sert également à créer de nouvelles activités ou à en relocaliser d’autres. Par exemple, à Bure, EDF a construit un centre pour ses archives industrielles et une plateforme logistique où seront stockées et réparées toutes les pièces de rechange des centrales nucléaires françaises. 65 emplois ont été générés par cette opération. Par ailleurs, un projet de gazéification de la biomasse est à l’étude et Areva a créé une zone d’activité, un centre d’archivage et une base logistique. Le site fait actuellement travailler près de 400 personnes. L’Agence Nationale pour la gestion des Déches Radioactifs (ANDRA) estime que le centre de stockage devrait employer entre 500 et 800 personnes en permanence durant un siècle.
Néanmoins, il convient de bien comprendre que ces retombées économiques sont artificielles et ne dureront qu’un temps. Elles servent à masquer des choses nettement moins avouables. En outre, la création d’une telle déchèterie radioactive va réduire à néant les atouts du département que sont le tourisme vert et l’agriculture.
Rappelons qu’une pétition lancée il y a deux ans a récolté plus de 40 000 signatures. Aucun pouvoir public n’y prête attention ! Un véritable scandale qui prouve une fois de plus les valeurs de notre démocratie et de la république à la française. Mais que ce soit par adhésion, indifférence ou pragmatisme, les résistances restent timides devant cette manne financière à portée de main. Même une partie de la cinquantaine d’élus qui sont opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs accepte les fonds du GIP !
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bloggerslorrainsengages
27 septembre, 2011 à 23:11
Malgré le soutien de son conseil municipal, le maire de Bonnet reste isolé parmi les élus du secteur. Sa commune de 217 habitants a beau être située sur la ZIRA (Zone d’Intérêt pour la Reconnaissance Approfondie), et percevoir, à ce titre, des subventions à hauteur de 500 euros par habitant et par an, il demeure un opposant farouche au centre d’enfouissement (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/2010/01/24/bonnet-dit-non-a-lenfouissement-des-dechets-nucleaires/). « Contrairement à ce que nous raconte l’ANDRA, le dossier n’est pas mûr. Mais le débat est clos avant même d’avoir eu lieu : l’enfouissement est devenu la solution unique », objecte l’édile.
Opposé sur le fond, il dénonce tout autant la méthode des pouvoirs publics, qu’il juge suspecte : « Je n’ai jamais vu des entreprises débarquer avec des valises de billets pour faciliter leur implantation. En général, c’est l’inverse qui se produit ». Pour lui, « acheter ainsi les consciences, c’est trop facile », soupire celui qui fustige aussi les rivalités exacerbées au sein de la communauté des 19 communes du Val d’Ornois, entre celles qui bénéficient des aides financières et les autres.
(Source : Le Républicain Lorrain du 25/08/2011)
Groupe BLE Lorraine
15 novembre, 2013 à 22:47
La réversibilité constitue une question centrale du stockage des déchets radioactifs dans le sous-sol de Bure
Pour le grand public, la réversibilité est la possibilité d’aller retirer un colis quel que soit le motif et à tout moment, y compris après la fermeture du stockage. Si c’est bien ce sens qui est donné au mot réversibilité, il apparaît clairement que l’appellation stockage géologique réversible est abusive car le concept est par définition définitif, pour des raisons de sûreté. En effet, le stockage profond des déchets radioactifs est une installation destinée à être fermée définitivement pour limiter les charges supportées par les générations futures. Il fera ensuite l’objet d’un suivi de sûreté passif.
Reste à savoir quand le couvercle sera scellé ? La loi de 2006 table sur une réversibilité d’au moins 100 ans. Soit le temps nécessaire à l’exploitation du centre et à l’enfouissement de tous les colis. Un siècle, c’est une goutte d’eau à l’échelle du temps nucléaire et de déchets qui mettront des millions d’années à devenir inoffensifs.
Ce concept de réversibilité a été élaboré pour faire croire à la faisabilité du centre et faciliter son acceptabilité sociale. Il a notamment permis de faire sauter un verrou psychologique chez nombre d’élus locaux. Or, concrètement, comment récupérer techniquement et financièrement les colis dans un gruyère de 300 km de galeries qui va subir des pressions extraordinaires.
L’ANDRA, qui planche sur une fermeture progressive du centre, voit un intérêt majeur à cette réversibilité. Celle-ci permet de laisser aux générations futures le choix de modifier ou d’orienter le processus de stockage, de retirer les colis stockés et de les entreposer si un autre mode de gestion était envisagé.
Entre 2015 et la date d’autorisation de création d’un centre de stockage, l’Assemblée nationale française doit promulguer une loi fixant les conditions de la réversibilité. Ce calendrier est jugé incohérent, l’ANDRA devant déposer la demande d’autorisation du centre après le débat public. Il serait logique que celle-ci intervienne au contraire après l’adoption de la loi sur la réversibilité, afin d’éviter tout risque de contradiction entre les deux. Par ailleurs, les délais laissés à la recherche par ce calendrier sont beaucoup trop courts.
Groupe BLE Lorraine
29 janvier, 2014 à 22:59
La ruralité constitue une cible privilégiée pour l’industrie nucléaire. Toutes les régions désignées pour accueillir les déchets radioactifs ont pour point commun d’être en perte de vitesse, appauvries et dépeuplées. Elles constituent en ce sens des proies faciles. Deux exemples sont particulièrement révélateurs en Lorraine : le projet Cigéo d’enfouissement des déchets de haute activité à vie longue à Bure, en Meuse, et le village d’Avricourt en Moselle. En 2008, une partie de la population de ce dernier s’était opposée, avec succès, à l’accueil d’un centre de stockage des déchets de faible activité à vie longue. Comme si de si petites communes pouvaient porter à elles seules l’avenir de la filière nucléaire.