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Sidérurgie : ArcelorMittal sacrifie la filière liquide lorraine sur l’autel des profits

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ArcelorMittal a dernièrement décidé d’arrêter son second haut-fourneau de Hayange-Florange, après avoir prolongé en juillet dernier l’arrêt du premier. C’est un mauvais signe pour la sidérurgie, pour l’industrie en général et la Lorraine. Car l’arrêt de l’ensemble de la filière liquide, annoncé comme provisoire, assombrit sérieusement l’avenir du site lorrain. Surtout en l’absence d’investissement. Cette nouvelle catastrophe sociale et industrielle suscite la colère, l’angoisse et l’incompréhension de tous les Lorrains.

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Les hauts-fourneaux d’Hayange, les agglomérés de Rombas, ainsi que l’aciérie (500 salariés) et le packaging de Florange (600 salariés) sont donc mis en veille ou tourne au ralenti. Cette mesure vaut au moins jusque début 2012, en attendant un nouveau plan industriel. Rappelons qu’Arcelor avait déjà programmé la fin de la filière liquide chaude en Lorraine pour 2010 au début des années 2000. L’Opération Publique d’Achat hostile de Mittal en 2006 sur le leader européen avait momentanément changé la donne et offert des perspectives d’avenir aux deux derniers hauts-fourneaux de la sidérurgie lorraine. Cependant, en 2008-2009, la crise avait obligé le groupe à mettre en veilleuse le P3 pendant près de dix mois et le P6 un peu moins longtemps. Eloigné des côtes, à la différence des sites de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, le site sidérurgique lorrain est de fait considéré comme moins compétitif.

Avec les moyens du bord et des rafistolages, les deux hauts-fourneaux avaient difficilement redémarrés, comme l’imposait alors le marché. Les chocs thermiques avaient en effet sérieusement dégradé l’outil. Les ouvriers avaient passé des nuits à décongeler des tuyaux au chalumeau sur le P6, d’où des plaques de glace tombaient par morceau entier dans le fourneau. Un véritable désastre. La soudaine faiblesse du même marché au second semestre est venue plomber Florange, handicapé par ses coûts de fonctionnement et par l’état de ses outils de production. D’ailleurs, une importante panne a dernièrement eu lieu sur la partie chargement du P6. Un problème de corrosion est d’ores et déjà avancé.

Le train à chaud et le laminoir de Florange continueront cependant à produire entre 180 000 à 200 000 tonnes d’acier plat par mois en Lorraine grâce à l’acheminement d’acier brut par train en provenance d’autres complexes industriels. Or, l’autonomie de la toute la filière liquide lorraine est considérée comme une force par ses clients, notamment par l’industrie automobile, qui estiment qu’elle est un gage d’excellence et de qualité des aciers lorrains. Par exemple, l’acier Usibord affiche des performances exceptionnelles. En 2010, l’usine lorraine en produisait 200 000 tonnes et devait atteindre les 500 000 tonnes en 2015. Alors que les clients attendent des volumes, le site n’est pas structuré, si bien que les marchés lui échappent. Par ailleurs, de source syndicale, consigne aurait été donnée aux services commerciaux de ne plus chercher de nouveaux contrats pour le second semestre. Autrement dit, tout ce qui se passe actuellement à Florange serait délibéré et organisé. Inimaginable.

Alors que la direction justifie sa décision par « l’actuel ralentissement saisonnier et les fluctuations de la demande dans certaines zones géographiques en Europe », de plus en plus de personnes dénoncent la politique spéculative d’ArcelorMittal qui vise à faire du site mosellan une véritable variable d’ajustement en fonction de la conjoncture. Au total, plus de 2 000 emplois (CDI, intérimaires et sous-traitants) sont menacés par l’arrêt des deux hauts-fourneaux. ArcelorMittal pourrait mettre en place du chômage technique, de la formation, ou transférer des salariés sur d’autres sites. Mais il est scandaleux que le gouvernement français ait autorisé les mesures de chômage partiel avant même que les instances légales et représentatives n’aient été consultées et qu’aucune contrepartie n’ait été exigée.

La Lorraine symbolise une fois de plus la faillite de la politique industrielle française. Notre territoire a en effet perdu depuis 2002 plus de 25 % de ses emplois industriels, soit 42 000 postes.  

Mise en service en 1948, l’aciérie de Florange est un site intégré transformant chaque année plus de 3 millions de tonnes d’acier en fonte, fer blanc et tôles revêtues pour l’automobile, la construction et l’emballage. La structure possède une expérience et un savoir-faire indéniables.

Mais sans le moindre investissement programmé pendant cette nouvelle période d’arrêt, alors que Dunkerque tourne à plein régime et que Fos-sur-Mer finalise sa rénovation, ArcelorMittal condamne en réalité purement et simplement l’outil industriel lorrain. Le sort du P3 semble d’ores et déjà scellé. En effet, deux à trois mois de travaux préalables d’un montant de 4 à 5 millions d’euros seraient nécessaires pour le relancer. Le P6 constitue quant à lui l’ultime espoir de maintenir la filière liquide chaude à Florange. En mode ULCOS, il permettrait de produire de l’acier avec des coûts réduits de 25 %. Tout l’avenir de la filière liquide lorraine repose donc sur la décision de financer, ou non, ce projet avant-gardiste de captage et de stockage de CO2. La commission européenne doit justement rendre pour mi-2012 sa décision sur son financement. Or, en arrêtant le second haut-fourneau lorrain, ArcelorMittal envoie un signal négatif pour ULCOS. Pire, le groupe pratiquerait du chantage : l’Union Européenne doit financer le Projet ULCOS pour qu’ArcelorMittal maintienne la filière liquide à Florange.

Il faut savoir que la sidérurgie lorraine souffre depuis les années 1970 d’un sous-investissement d’environ 30 % par rapport à la moyenne de la sidérurgie européenne, ce qui pénalise considérablement sa productivité et sa rentabilité. En conjoncture haute, ArcelorMittal fait tourner à fond ses usines lorraines, mais en investissant a minima. En conjoncture basse, il les ferme les unes après les autres au motif qu’elles sont moins rentables. Ce refus d’investir et l’imposition d’une telle flexibilité traduisent ni plus ni moins la mise en œuvre d’une politique de démantèlement de nos outils de productions. Le Groupe BLE Lorraine ne peut accepter une orientation aussi inique de la part d’une multinationale qui a puisé toute sa richesse par l’exploitation des ressources lorraines et qui enregistre encore aujourd’hui près de 2,5 milliards de dollars de bénéfices pour le seul premier trimestre 2011. ArcelorMittal se préoccupe aujourd’hui davantage de finance et de rentabilité à court terme que de l’avenir de ses outils industriels à long terme. Sa décision aurait ainsi été uniquement dictée dans le but de maintenir un prix élevé de l’acier, afin de pouvoir faire face à aux échéances financières de son endettement très important. Cela s’appelle faire de la spéculation et nous avons tous vu où cela nous menait. Depuis trente ans, les actionnaires d’hier, les De Wendel, puis ceux d’aujourd’hui, à savoir la famille Mittal, se sont enrichis avec l’acier lorrain et le travail des ouvriers. Aujourd’hui, ils ne connaissent pas la crise. Ils suppriment des emplois alors qu’ils croulent sous l’argent.

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20 Commentaires

  1. pierre

    13 septembre, 2011 à 10:52

    Courage à tous les collègues de Florange
    Pour nous , à Liège en Belgique , c’est pareil.
    Une fois de plus nous devons arrêter nos outils pour que notre patron conserve ses bénéfices.
    Aucune considération pour le personnel.
    Hauts-fourneaux de Liège ou de Florange , même combat !

    http://haut-fourneau06.skyrock.com/

  2. bloggerslorrainsengages

    13 septembre, 2011 à 22:35

    Le parallèle entre ce qui se produit aujourd’hui à Florange et ce qui s’est passé à Gandrange il y a plus de trois ans vient immédiatement à l’esprit (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/gandrange/). Rappelons que la décision de Lakshmi Mittal d’arrêter l’aciérie électrique et le train à billettes avait entrainé la suppression de 571 emplois directs, mais également d’un nombre important d’emplois chez les sous-traitants. Le plan de sauvegarde de l’emploi a permis de faire partir du personnel en mesure d’âge et d’en redéployer une bonne partie sur les autres sites d’ArcelorMittal, notamment au Luxembourg et à Florange. Le laminoir à barres et à couronnes, dans le lequel le groupe a investi, emploie encore aujourd’hui plus de 320 personnes. Il est alimenté par des billettes venues d’Allemagne et de Pologne. L’outil a redressé la barre grâce à un marché de produits de niches à forte valeur ajoutée. Gandrange souffrait d’un mal structurel. Son aciérie électrique était en effet surdimensionnée et obsolète. Cela dit, Mittal n’a jamais voulu investir dans cet outil, ni dans la formation et la mise à niveau du nombreux personnel qu’il avait recruté pour relancer la dernière usine lorraine de produits longs.

  3. bloggerslorrainsengages

    30 septembre, 2011 à 22:41

    La direction d’ArcelorMittal a dernièrement promis d’entamer des travaux de maintenance à hauteur de 2 millions d’euros sur l’ensemble de la filière liquide et de provisionner 2,2 millions d’euros pour permettre le redémarrage du P6 lorsque celui-ci sera à l’ordre du jour.

  4. bloggerslorrainsengages

    5 octobre, 2011 à 23:36

    La vallée des anges ressemble à un enfer d’acier en fusion et de flammes crachées par des cheminées que Vulcain lui-même n’aurait pas dédaignées.

    Après le purgatoire qui s’est installé depuis le début des années 1980, au moment de la fermeture des mines, d’autres chocs ont transformé l’eldorado du fer en musée à ciel ouvert de la corrosion.

    La fumée rougeâtre faisait partie du ciel. Quand ces nuages ont commencé à se dissiper, le temps s’est étrangement assombri.

    Aujourd’hui, c’est la crainte d’un azur sans la moindre volute qui cristallise les angoisses. Soumise à la météo de l’acier mondial en général et de Mittal en particulier, la vallée de la Fensch essuie une énième tempête. La population vieillit, le régime minier s’effondre (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/2011/03/11/sauvons-le-regime-minier/) et l’hôpital d’Hayange souffre d’arthrose financière.

    Dans la vallée des anges déchus, il reste cependant encore une volonté de fer. Mais ne nous voilons pas la face. Le riche petit Etat souverain luxembourgeois retient sur place les actifs et empêche la courbe locale du chômage de tutoyer le record de France.

  5. bloggerslorrainsengages

    7 octobre, 2011 à 22:30

    Lakshmi Mittal a dernièrement annoncé qu’il allait mettre en œuvre « un plan d’optimisation des actifs d’un milliard de dollars » d’ici fin 2012 en concentrant « la production sur les usines à plus bas coûts ».

    Suite aux premières mesures d’ArcelorMittal 400 intérimaires ont été remerciés et des licenciements sont à craindre parmi les 400 personnes travaillant pour des sous-traitants.

  6. bloggerslorrainsengages

    7 octobre, 2011 à 22:35

    La dernière coulée a eu lieu au haut-fourneau P6. Les syndicats estiment que la fermeture du site spécialisé dans la fabrication d’aciers à très haute valeur ajoutée est « définitive » et constitue « l’arrêt de mort de la filière liquide chaude en Lorraine ».

  7. bloggerslorrainsengages

    7 octobre, 2011 à 22:38

    L’appel à la « ville morte » lancé par Hayange a mobilisé 1 300 manifestants, dont des membres et des sympathisants du Parti Lorrain avec drapeaux et slogans, dans les rues de la cité. Les commerçants ont baissé leur rideau de 14 à 16 heures. Des poteaux métalliques de 3 mètres de haut supportant les trois lettres géantes « SOS » ont été installés au pied de la statue de la vierge qui domine Hayange (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/2010/07/07/patrimoine-memoire-et-histoire-a-hayange/). Chaque soir, cet appel au secours est allumé, jusqu’à la remise en route du haut-fourneau. L’espace situé juste en face du portier Patural d’ArcelorMittal a par ailleurs été rebaptisé « Place de la résistance pour le maintien de la sidérurgie en Lorraine ». Un grand moment d’émotion. Près de 1 000 sidérurgistes, sur les 3 000 que compte le site, se retrouvent en effet au chômage partiel.

    Depuis 1704, date à laquelle Jean-Martin Wendel acheta la forge d’Hayange, la vallée est passée par toutes les phases, de la splendeur à la décadence. En 1968, il y avait plus de 10 000 sidérurgistes à l’usine de Florange. En quelques années, la population de la commune d’Hayange a vieilli et est passée de 22 000 habitants à moins de 16 000 aujourd’hui. Les jeunes vont désormais chercher du travail au Luxembourg.

  8. bloggerslorrainsengages

    7 octobre, 2011 à 22:39

    Les ouvriers et les habitants doivent passer avant les actionnaires d’ArcelorMittal qui vivent confortablement sur des coussins remplis de la sueur des travailleurs.

  9. bloggerslorrainsengages

    12 octobre, 2011 à 22:55

    Après le succès de l’opération « Vallée mort » à Hayange, environ 1 500 manifestants ont dernièrement convergé vers les Grands Bureaux de Florange. Florange, dont le nom est aussi apparu sur une banderole à Marseille, tend depuis quelques temps à devenir le symbole de la mondialisation qui met à genoux la classe ouvrière.

  10. bloggerslorrainsengages

    22 octobre, 2011 à 0:18

    Après avoir décidé de fermer les installations de Liège, les sidérurgistes lorrains craignent qu’ArcelorMittal s’en prenne maintenant à Florange. En effet, alors que le groupe parlait seulement d’un arrêt provisoire à Liège et signait même un accord pour embaucher des gens, il a soudainement décidé de fermer le site. Et Florange était bien l’unité suivante sur la liste dans le programme Apollo d’Arcelor en 2004. Nous ne pouvons que dénoncer la stratégie d’exploitation de Mittal qui vise à délocaliser la production d’aciers vers d’autres continents où la productivité est plus profitable.

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