L’avertissement de l’office parlementaire, dernièrement formulé à l’Assemblée Nationale française, est cinglant : gouvernement et industriels sont priés de se conformer aux procédures fixées par la loi. EDF et son PDG Henri Proglio, nommément cité, sont accusés de privilégier la rentabilité au détriment de la sécurité. Certaines estimations chiffrent en effet la facture globale du centre d’enfouissement des déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse, entre 20 et 30 milliards d’euros, au lieu des 13 milliards d’euros initiaux. Or, l’addition doit être supportée à 80 % par EDF. Ce supplément résulte d’un mélange d’inflation, de hausse des matières premières et de surcoût lié à la pseudo-réversibilité du stockage.
L’Etat français est également suspecté de ne pas jouer le jeu de la procédure arrêtée par la loi. Ainsi, depuis qu’elle a été créée en 2006, la Commission Nationale d’Evaluation Financière n’a jamais été réunie. Par ailleurs, l’Elysée est accusé d’entretenir un climat de tension au sein de la filière du nucléaire.
Néanmoins, dans leur rapport, les parlementaires ne citent à aucun moment le nom de « Bure ». Une hypocrisie de plus, puisqu’il est précisé que le stockage ne pourra se faire que près d’un laboratoire. Or, il n’y qu’un laboratoire, c’est celui de Bure, où en 16 ans, plus d’un milliard d’euros a été investi.
Ces non-dits sont à l’image de « la fausse transparence » qui entoure ce dossier sensible. Les citoyens sont mis à part. Les associations spécialisées n’ont jamais été auditionnés. Pourtant, en l’espace de deux ans, une pétition a réuni 40 000 signatures de personnes en Lorraine et en Champagne-Ardenne qui ne veulent pas de ce centre de stockage. Malheureusement, quelques élus locaux ont décidé qu’il en serait autrement.
Il faut en effet savoir que ce sont les résidus hautement ou moyennement radioactifs à vie longue (des centaines de milliers d’années pour certains) et issus du retraitement des combustibles brûlés dans les centrales qui seront stockés dans le sous-sol meusien. Si leur volume est relativement faible (44 000 mètres cube en 2007, 56 000 mètres cubes en 2030), ils concentrent à eux-seuls 99,9 % de la radioactivité totale des déchets nucléaires français. Ces substances sont actuellement stockées à La Hague, dans la Manche, et à Marcoule, dans le Gard. La loi du 8 juin 2006 prévoit de les enfouir à 500 mètres de profondeur dans les couches d’argile sur le site du laboratoire expérimental de l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets Nucléaires (ANDRA), à Bure, dans la Meuse. Le calendrier fixé par la loi programme un débat public en 2013. Il sera suivi d’une enquête publique et d’une demande d’autorisation en 2015, pour une mise en service du stockage des déchets en 2025. Ces déchets resteront accessibles pendant une durée de 100 ans, au cas où une nouvelle technologie de traitement permettrait de les déstocker. C’est ce qu’on appelle la réversibilité. Or, selon des experts indépendants, cette réversibilité est impossible. Cette notion aurait ainsi été « inventée », afin que le projet d’enfouissement puisse être plus facilement accepté par la population. C’est le premier mensonge de ce dossier.
Par ailleurs, certaines acquisitions foncières de l’ANDRA aux environs de site d’enfouissement de Bure sont suspectes. D’une part, car les élus ruraux ne sont pas au courant de ce qui se trament. D’autre part, en raison de leur ampleur : 600 hectares. Au sujet de l’acquisition de ces terrains, pourquoi l’ANDRA ne divulgue-t-elle pas leur prix ? Pire, pourquoi les cache-t-elle ? En réalité, des tractations s’effectueraient pour acheter des fermes pour des échanges ultérieurs contre des exploitations à Bure ou dans les environs. L’ANDRA solliciterait également les propriétaires forestiers, car elle rechercherait 150 hectares à proximité de Bure pour se débarrasser des montagnes de gravats attendus par le creusement de la méga poubelle souterraine. Des gravats qui vont où, en attendant, actuellement ? C’est la question.
De même, il faut savoir que l’ennemi n°1 de l’enfouissement des déchets radioactifs, c’est l’eau. Car l’eau corroderait l’emballage des déchets, ce qui libèrerait alors les particules radioactives et les entraînerait au fil des circulations souterraines et contaminerait de très vastes régions. A Bure, l’ANDRA a martelé pendant des années que le sous-sol était idéal car opportunément sec. Or, des géologues plus « libres » que ceux qui travaillent pour le lobby de l’atome ont fini par faire avouer à l’agence qu’en réalité « le sous-sol de Bure contient des millions de mètres cube d’eau ». Ce qui est d’ailleurs logique, puisque la couche géologique supérieure est composée de calcaire (oxfordien). Or celui-ci est truffé de gouffres et de cavités, autant d’éléments qui ne peuvent que piéger l’eau en grande quantité. A tel point que ce secteur est localement qualifié de « château d’eau ».
Aujourd’hui la zone de Bure est un bloc homogène, coincé entre deux fossés d’effondrement majeurs : le fossé de Gondrecourt-le-Château et la vallée de la Marne. Si le projet d’enfouissement allait à son terme, le sous-sol, c’est-à-dire à 500 mètres de profondeur ici, se verrait transformé en véritable gruyère par la multitude de galeries creusées. Le bloc ne serait alors plus homogène. Il subirait les effets de séismes réguliers se produisant à seulement quelques dizaines de kilomètres, à l’image de celui de Saint-Dié-des-Vosges survenu le 22 février 2003 et qui s’était ressenti dans un rayon de 200 à 300 km. Des failles et des microfailles apparaitraient, drainant et entraînant les eaux supérieures vers le cimetière radioactif souterrain. Or, dans la mesure où les couches géologiques de la région de Bure ne sont pas horizontales mais inclinées vers l’Ouest, les circulations d’eaux souterraines porteraient essentiellement et irrémédiablement leur contamination vers la vallée de la Marne, avant de se diffuser dans tout le Bassin Parisien. La complexité de l’hydrogéologie locale laisse également à penser qu’une partie des contaminations suivrait le Bassin Mosan (Meuse), et de là tout son aval. C’est là le second, et non des moindres, mensonges de ce dossier.
La question sous-jacente est ici : que faire des déchets radioactifs à toxicité quasi éternelle et comment les gérer ? Ceux qui ont lancé le monde dans l’aventure nucléaire ont longtemps affirmé qu’on trouverait « plus tard » des solutions aux déchets produits. Le « plus tard » ayant sans cesse été repoussé, les gestionnaires avisés n’ont rien trouvé de mieux que de se débarrasser de ces poisons violents en les enfouissant à plusieurs centaines de mètres de profondeur.
Enfin, une dernière question nous hante : si une fuite survient à 500 mètres sous terre, que pourra-t-on faire ?
(Sources : Le Républicain Lorrain, CEDRA, Fédération STOP Déchets Nucléaires Grand Est)
deacity2
16 mars, 2011 à 12:32
Au nom de la sûreté de notre province et de notre pays, combattons l’idée de ce site d’enfouissement et de manière ferme!
bloggerslorrainsengages
16 mars, 2011 à 18:57
Entre la centrale nucléaire de Cattenom et ses 4 réacteurs au Nord, celle de Chooz dans les Ardennes à 150 km à l’Ouest de Longwy et celle de Fessenheim en Alsace à 140 km à l’Est d’Epinal, les possibilités d’échappatoire en cas de scénario catastrophe pour les Lorrains sont rares. D’autant plus qu’avec le futur centre d’enfouissement des déchets radioactifs à vie longue dans le Sud de la Meuse à Bure, nous serons complètement cernés. Le stockage devrait y démarrer en 2025. Une date à laquelle l’étau nucléaire se refermera définitivement sur la Lorraine.
bloggerslorrainsengages
16 mars, 2011 à 19:05
En raison de leur topographie accentuée, l’Alsace, et dans une moindre mesure la Lorraine, sont des territoires à sismicité modérée. Cela signifie que l’activité sismique y est régulière, mais essentiellement constituée de séismes de faible magnitude. Même s’ils sont parfois perçus par la population, ils engendrent rarement des dégâts. Ainsi, dans les Vosges, il y a tous les jours des séismes de magnitude 1 ou 2, des séismes de magnitude 3 plusieurs fois par an et un séisme majeur de magnitude 4,5-5, qui est perçu et fait quelques dégâts, tous les 4-5 ans. L’épicentre est essentiellement localisé au niveau des Vosges et de la Forêt Noire. On retrouve encore dans cette zone un système de failles tectoniques encore actives qui crépitent assez régulièrement. Par exemple, sur le versant occidental des Vosges, il y a un ensemble de failles qui créent de la sismicité. Le dernier séisme bien connu, proche d’une magnitude 5, est celui de Rambervilliers, survenu en février 2003. Rappelons enfin que la Lorraine avait été touchée en 1356 par un séisme qui s’était produit à Bâle et dont la magnitude a été estimée à 6,5 sur l’échelle de Richter.
mm
30 avril, 2011 à 16:25
Je rectifie : l’enfouissement est prévu dans les argiles du Callovien et non dans des calcaires de l’Oxfordien.
Une coupe géologique du site (acceptable) se trouve ici : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Andra_bure_-_coupe_g%C3%A9ologique.svg.
Il faut la consulter en sachant que l’échelle des hauteurs n’est pas la même que celle des distances, ce qui fausse les impressions sur les pendages et sur le décalage des couches dans les zones dites faillées.
En revanche, il ne faut pas rêver sur la fermeture de Catenom, mais on ne peut que souhaiter vivement celle de Fessenheim, qui est d’ailleurs en cours d’évaluation… affaire à suivre.
Ben sinon, oui, les cochonneries, on préfère qu’elles soient chez le voisin, même si la sécurité y est inférieure !
bloggerslorrainsengages
4 mai, 2011 à 15:56
Si les déchets français sont enfouis à Bure, qui dit que la France n’acceptera pas de stocker les déchets d’autres pays, afin de faire un peu de business nucléaire au détriment de la Lorraine ? Pour certains, toutes les rentrées d’argent sont bonnes, non ?