Alors qu’au 1er janvier 2011, 36 686 communes étaient recensées en France, 6 d’entre elles, toutes situées dans le département de la Meuse, en Lorraine, comptaient… zéro habitant. Revenons plus en détail sur la Zone Rouge de Verdun et ses particularités.
Une fois l’Armistice de 1918 signé, un ministère des régions libérées fut créé, afin de lancer la reconstruction des zones de guerre dévastées par les combats de la Première Guerre Mondiale. 12 départements, près de 4 000 communes et 3,3 millions d’hectares étaient alors concernés. Une cartographie précise permit de même en 1919 de distinguer trois zones, à savoir bleue, jaune et rouge. La Zone bleue se caractérisée par des dégâts limités et la présence d’installations, de matériels ou de munitions militaires. La Zone jaune est quant à elle plus largement dégradée. De nombreux obus non éclatés y sont encore présents, même si la majorité des voies de communication reste toutefois praticable. Enfin, la Zone rouge (voir : http://blogerslorrainsengages.unblog.fr/2008/11/07/le-nouvel-eldorado-de-la-zone-rouge/), constituée par les lignes de front, correspond à un périmètre très largement dévasté. Ainsi, la plupart des infrastructures de cette zone sont détruites, soit en partie, soit en totalité. Les destructions subies dans la Zone rouge sont souvent comparées à celles qu’auraient pu faire plusieurs bombes atomiques. Il faut dire que dans les secteurs les plus touchés, il ne subsistait plus, au lendemain de la guerre, que des sols lunaires parsemés de milliers de trous d’obus. 9 villages des environs de Verdun se sont retrouvés en plein cœur de cette apocalypse. Tous ont été détruits par un déluge de fer et de feu. Ces villages martyrs de Lorraine sont Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samognieux, Louvemont-Côte-du-Poivre, Ornes et Vaux-devant-Damloup. Autant de communes sacrifiées et détruites à cause de la France et titulaires de la Croix de Guerre 1914-1918 avec palme. La belle affaire. A la veille du conflit, aucune de ces communes rurales n’atteignait le millier d’habitants. 718 personnes résidaient à Ornes, localité la plus peuplée. Le village d’Haumont ne comptait lui que 131 habitants. La population de ces communes était principalement composée d’agriculteurs, de bûcherons et d’artisans. Mais lorsque le chant lugubre du tocsin se répandit dans les campagnes lorraines le samedi 1er août 1914, personne ne pouvait penser que ces villages allaient plonger quelques mois plus tard dans le plus effroyable enfer qu’une guerre n’ait jamais engendré avec la Bataille de Verdun.
Le lundi 21 février 1916, à 7 heures du matin, l’artillerie allemande entrepris un hallucinant pilonnage des positions françaises. En deux jours, 2 millions d’obus se sont abattus sur un champ de bataille désormais universellement connu, qui résonne encore comme le véritable symbole de la folie des hommes. A la fin de la Bataille de Verdun, le 19 décembre, 26 millions d’obus, soit 6 par mètres carrés, ont détruit, brûlé, pulvérisé un terroir naguère verdoyant. Il ne restait que des cendres. Ces milliers d’hectares étaient devenus un véritable bourbier apocalyptique nourri du sang des 306 000 morts ou disparus français et allemands, sans compter les centaines de milliers de blessés et de mutilés évacués vers l’arrière. Un territoire sans vie, parsemé de milliers de trous. L’enfer de Verdun était encore fumant.
Interdit d’accès en raison des risques liés aux munitions non explosées et à la pollution des sols, le territoire des 9 communes fut intégralement classé en Zone rouge. Seul le village de Vaux fut reconstruit à quelques centaines de mettre de son lieu d’origine. Quelques rares bâtiments furent néanmoins réhabilités ou érigés à Ornes et à Douaumont. Le principal d’entre eux n’est ni plus ni moins que l’ossuaire de Douaumont, qui abrite les restes de 130 000 soldats inconnus français et allemands. Au cours de la période d’entre-deux guerres, une chapelle-abri et un monument aux morts furent bâtis dans chacun des 9 villages martyrs.
C’est en novembre 1919 que furent organisées les premières élections municipales de l’après-guerre. En hommage aux villages détruits, l’État français décida de leur maintenir un statut de commune au lieu de rattacher leur territoire, transformé en sanctuaire, à des communes environnantes moins touchées. C’est à partir de ce moment-là que les communes martyres, faute d’habitants, furent administrées chacune par une Commission municipale de trois membres désignés par le préfet de la Meuse.
90 ans plus tard, ces dispositions sont toujours en vigueur dans sept des neuf communes. Seuls les villages de Vaux et de Douaumont, qui comptent aujourd’hui respectivement 67 et 7 habitants selon les données du dernier recensement, échappent à cette règle administrative singulière. Le statut de cette dernière commune pourrait toutefois devenir identique à celui des 7 autres localités dépourvues de tout habitant, à l’exception d’Ornes, qui en compte 8, du fait de la baisse démographique.
Enfin, bien qu’elles aient conservé leur statut de commune, il n’y a pas de maire à la tête de ces entités administratives, mais un président de Commission municipale, dont la désignation, actée par le préfet lors de chaque élection municipale, repose sur un fort lien avec les villages martyrs et une grande motivation dans la préservation des sites.
bloggerslorrainsengages
20 février, 2011 à 23:14
Si certains pourraient également dire « mort à cause de l’Allemagne », ce qui ne serait pas forcément faux, l’autre expression « mort à cause de la France » nous semble plus explicite.
En effet, au cours du XVIIème siècle et du XVIIIème siècle, il eut des guerres entre Français et Lorrains. Ce sont les académiciens et historiens de l’académie de Stanislas et de Metz qui nous l’apprennent. Ces faits ne sont bien entendu pas enseignés sur les bancs de l’école de la république française, pour cause de régionalisme, d’identité républicaine, d’unité … Bref. Il faut savoir que la Lorraine est une terre d’entre-deux, de passage et d’influences biculturelles (pour l’époque en tout cas). Pour la France, c’est un glacis de protection contre les Etats germaniques, d’un point de vue de stratégie militaire. Or, les ducs se rangeaient généralement du côté de l’Empereur. A cela s’ajouta la terrible Guerre de Trente Ans. Ses conséquences furent extrêmement lourdes pour la Lorraine. Au cours de ce conflit qui a embrasé toute l’Europe occidentale pour des questions de successions royales (pour résumer rapidement), la France et la Lorraine furent une nouvelle fois opposées. La première, avec son allié suédois, opéra, un véritable génocide en Lorraine (l’expression épuration ethnique semble peut-être plus appropriée), puisque plus de 60 % de la population (entre 65 et 70 % environ, et plus de 90 % dans certaines zones germanophones) fut massacrée. Le but étant de réduire à néant la Lorraine pour les motivations mentionnées plus haut. D’ailleurs, le fait que Richelieu s’empressa de raser toutes les forteresses de Lorraine pour la démilitariser en atteste (que reste t-il ainsi des châteaux de Mousson, de Prény, Châtel et tant d’autres … si ce n’est que deux tours d’à peine deux mètres de haut et trois bouts de murs, alors que dans d’autres provinces françaises des forteresses similaires sont intactes ; bon certaines ont été détruites pendant les bombardements … mais le fait est là). Encore une fois, ce sont les historiens qui le démontrent. Il apparaît dès lors profondément hypocrite pour la France de juger le génocide arménien par la Turquie.
La plupart des habitants de Meuse et du front en général n’ont rien demandé à personne. Ils vivaient tranquillement dans leur campagne et se sont retrouvés sous un déluge de feu, perdant, du jour au lendemain, leur famille, tous leurs biens, leur village … Qui plus est, la population n’était guère enthousiaste à l’idée de la mobilisation générale et peut-être même que dans le Sud, l’Ouest et le Centre on en avait strictement rien à faire de l’Alsace et de la Moselle (Lorraine si on tient du fait qu’elle était coupée en deux comme le Pays-Basque actuellement), si ce n’est qu’un peu de compassion et de revendications nationalistes au début de l’annexion. Alors oui, certains généraux et patriotes sont peut-être morts pour la France, mais la plupart sont morts à cause d’elle et de ses velléités, qui ont gâché leur vie paisible et leur jeunesse.
Nous nous ne mentionnerons pas ici les abominations de la Seconde Guerre Mondiale qui ne fut pas triste non plus pour les Lorrains et les Mosellans en particulier : évacuation, pillage, exode, expulsion…
L’exploitation sidérurgique qui a contribué à faire la richesse de la France constitue un autre exemple de peines et de labeurs.
Nous aimerions quand même une fois pour toute que l’ensemble des français reconnaisse toutes les souffrances qui nous ont été faites et que nous avons endurées en Lorraine depuis des siècles.
bloggerslorrainsengages
3 avril, 2011 à 10:51
Si neuf villages meusiens ont été définitivement rayés de la carte autour de Verdun, à savoir Beaumont, Bezonvaux, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-les-Samogneux, Louvemont, Ornes, Vaux-devant-Damloup et Cumieres, il ne faut pas oublier que beaucoup d’autres villages lorrains ont également été fortement endommagés lors de la Première Guerre Mondiale. Certains ont totalement été détruits, laissant place à des ruines, car reconstruits, ou non, près de leur emplacement initial.
Il s’agit plus particulièrement de quatre villages détruits sur la partie orientale du Saillant de Saint-Mihiel situés à l’Ouest de Pont-à-Mousson : Flirey, Remenauville, Regnieville, Fey-en-Haye.
Flirey fut détruit en septembre 1914. Le village fut rebâti un peu plus loin au Nord-Ouest de son emplacement initial. Il reste encore des vestiges importants de la vieille église qui date de 1877 et de son ancien cimetière.
Totalement rasé, le village de Regniéville ne fut jamais reconstruit. La commune fut associée à celle de Thiaucourt pour former Thiaucourt-Regniéville en 1962. Une chapelle fut élevée sur les vestiges de l’ancienne église bordée de quelques tombes de l’ancien cimetière.
Le village de Remenauville connu le même sort. Entièrement détruit, il ne fut jamais reconstruit. Son nom fut associé à Limey, à quelques kilomètres de là, pour former Limey-Remenauville. Il reste en forêt une chapelle édifiée à l’emplacement de l’ancienne église. Les anciennes rues, noyées dans les ronces et la broussaille, ont été balisées.
Enfin, Fey-en-Haye, entièrement ravagé par les combats, fut aussi rebâti à quelques kilomètres. Il ne reste de l’ancien bourg que quelques vestiges, dont la plus grande partie est recouvert par la végétation. Une signalétique et un monument retracent toutefois la mémoire du village. Un sentier botanique, qui emprunte les anciennes rues du village, a été balisé par l’Office National des Forêts. Il fait découvrir aux promeneurs les plantes rescapées des jardins de l’époque.
bloggerslorrainsengages
23 juin, 2013 à 16:35
Au cœur de la bataille de Verdun, Fleury-devant-Douaumont, comme huit autres villages meusiens, a été totalement détruit. C’est aujourd’hui l’un des sites incontournables du tourisme de mémoire en Lorraine avec des trous d’obus recouverts de gazon, les rues du village balisées par des pierres blanches et les maisons par des panneaux. Il ne reste plus que la chapelle de l’Europe encore debout. Non loin de là se trouve le Mémorial de Verdun, consacré à la bataille la plus célèbre de la Grande Guerre, avec de nombreux objets du quotidien des poilus.
Groupe BLE Lorraine
16 novembre, 2021 à 20:40
Plus de cent ans après la Bataille de Verdun, soixante-cinq collégiens allemands et français ont dernièrement participé à la création d’un verger franco-allemand sur le site du village détruit de Douaumont, en Meuse. Sur cette terre ravagée par les pilonnages d’obus, ils ont en effet planté 63 arbres sur 63 ares. Autant d’essences de pommiers, de pruniers et de poiriers qui étaient présentes au début du XXème siècle. Cette plantation symbolique permet également de participer à la régénération de la forêt et de la biodiversité mises à mal par la crise sanitaire des scolytes.