La décision d’un cadre du Crédit Agricole de Lorraine, qui avait refusé à un employé le bénéfice de deux jours chômés spécifiques au droit local d’Alsace-Moselle, a mis une nouvelle fois en danger de tels acquis sociaux et relancer le débat entre droit français et droit local. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la justice est vacillante sur ce point.
Ainsi, lorsque le délégué syndical a fait valoir ses droits à la retraite, en 2008, il ne voulait en aucun cas faire de cadeau à son futur ex-employeur. Fort des procès récents ayant porté sur la question de la Saint-Etienne (26 décembre) et du Vendredi Saint, deux jours fériés en droit local alsacien-mosellan, il exige de sa banque qu’elle lui rende neuf de ces jours fériés que son employeur avait injustement et illégalement retenus selon lui sur son quota de RTT entre 2003 et 2007. Dans sa décision rendue le 1er septembre dernier, la section «encadrement» des prud’hommes de Forbach lui donne gain de cause sans ambiguïté en arguant notamment « que la position de la caisse régionale du Crédit Agricole faisait perdre aux salariés mosellans le bénéfice de deux jours fériés complémentaires que leur offre le droit local » depuis les ordonnances de 1892 établies sous Bismarck. Ce cas est malheureusement typique de ces entreprises françaises qui ignorent tout simplement les spécificités du droit local et font comme si les deux jours fériés inscrits dans la loi n’existaient pas. Le problème, c’est que même face à des décisions de justice, les employeurs n’appliquent pas obligatoirement cette règle à l’ensemble de leurs salariés. Ainsi de telles sociétés tentent constamment d’imposer leurs propres exigences en Moselle, malgré la résistance du droit local.
Rappelons qu’en 2005, la chambre sociale de la Cour de cassation avait alors plutôt donné raison à ces patrons peu respectueux. En substance, la plus haute juridiction avait estimé que le « code du travail, dans le cadre de la mise en place des 35 heures hebdomadaires, établissait la durée annuelle du travail sur la base d’une année légale, diminuée des heures correspondant aux jours de congés payés aux jours fériés […]. Or, les jours fériés d’Alsace-Moselle ne figurent pas » dans le code du travail. Si bien que d’une interprétation à l’autre, la jurisprudence varie. Pire, même les conseillers à la Cour de cassation ont parfois du mal à s’y retrouver tant la matière est difficile. Selon certains, tout est question de rapport de force et l’employeur sait que les salariés peuvent hésiter à réclamer leurs droits devant la lourdeur de la tâche, pour récupérer au mieux quelques centaines ou milliers d’euros.
Ainsi, beaucoup d’entreprises évitent volontairement ces dispositions et agissent comme si le droit local n’existait pas, jusqu’au jour où des salariés leur demandent des comptes et font valoir le caractère impératif de ces règles. Mais l’argumentaire des entreprises est bien rodé. Elles posent alors la question : pourquoi n’y aurait-il pas le même droit en Meurthe-et-Moselle ? C’est un faux problème qui pourrait facilement être résolu en appliquant le droit local à l’ensemble du territoire lorrain. Pour contrer leur argumentaire odieux, il faut juste rappeler que les dispositions issues du droit local font partie du droit français ! Il y a ainsi des régimes particuliers en Corse ou dans les DOM-TOM. Pourquoi n’y en aurait-il alors pas chez nous ? D’autant plus que le droit local est plus favorable aux salariés et favorise une meilleure prise en charge que le droit du travail français. D’ailleurs, le législateur s’en est inspiré en matière de faillite civile par exemple. Il est aussi protecteur en matière d’absence des salariés au travail, avec une obligation de maintien de salaire dès le premier jour. Il est de même important de rappeler que même les petites entreprises mosellanes appliquent, sans sourciller, le droit local, a contrario d’entreprises françaises bien plus puissantes économiquement. Enfin, n’oublions pas que le droit local accorde un régime spécial en matière de sécurité sociale, qui est … excédentaire et dégage des bénéfices ! Un certain système ferait donc plutôt bien de s’en inspirer aussi. Voilà de quoi encore froisser l’orgueil du coq gaulois…
(Source : presse régionale)