Nous allons dans le bref rapport qui suit proposer plusieurs pistes d’améliorations du réseau de transports lorrains, en vue de le décongestionner, de le moderniser et de l’adapter aux évolutions des échanges économiques et urbains. Pour cela, il convient de commencer par une analyse de la situation actuelle de ces réseaux dans notre belle province.
Le réseau routier lorrain est tout d’abord situé à l’intersection des grands corridors européens, Nord-Sud et Est-Ouest. Sa principale particularité est d’associer un réseau d’autoroutes en grande partie gratuites à un important réseau de voies rapides. Cela dit, la Lorraine ne dispose que d’un réseau routier moyennement dense, qui est d’ailleurs essentiellement centré sur une zone restreinte du territoire provincial, à savoir le sillon lorrain et encore plus particulièrement le sillon mosellan. Cette véritable épine dorsale du réseau routier lorrain est à l’heure actuelle de plus en plus saturée. Elle est en effet victime de son succès et de son rôle central, dans un espace qui est de plus en plus sollicité par la croissance des échanges communautaires. A tel point que l’on peut dire qu’elle est devenue le point noir de ce réseau du fait de sa congestion. Il nous apparaît aujourd’hui urgent de résoudre ce phénomène, afin d’assurer le développement actuel et futur de la Lorraine.
En ce qui concerne les chemins de fer, notre province dispose d’un réseau dense avec 1 843 km de voies. La Lorraine constitue de même plus de 10 % du trafic ferroviaire français, ce qui est assez considérable. Une nouvelle fois, nous pouvons constater que l’essentiel de cette activité se concentre dans le sillon mosellan. Et à l’instar du réseau routier, le réseau ferré lorrain est saturé sur l’axe Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg.
Proposons à présent, dans le détail, plusieurs solutions pour résoudre le problème de saturation dont souffre la Lorraine.
Nous envisageons tout d’abord un renforcement de l’axe ferroviaire Nord-Sud, notamment par la création d’une véritable Ligne à Grande Vitesse (LGV) entre Barcelone et Cologne. Il s’agirait ainsi pour la Lorraine de réaliser le prolongement Nord de cette connexion jusqu’à la frontière luxembourgeoise. Autrement dit ce projet déboucherait sur la création sur le territoire français d’une LGV Nord Rhin-Rhône qui partirait d’Auxonne en Côte d’Or, au niveau de la branche Sud du TGV Rhin-Rhône, pour rejoindre la frontière luxembourgeoise au niveau de Bettembourg. Cette ligne traverserait ainsi la Lorraine du Nord au Sud, en passant par les territoires des Vosges, de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle. Cette LGV passerait de plus à l’Est de la Moselle et des agglomérations de Nancy, Metz et Thionville. Le tronçon de LGV situé entre ces villes serait mixte, c’est-à-dire aussi bien destiné aux voyageurs qu’au fret. Les gares de Metz et de Nancy seraient de même desservies comme des gares de décrochage, c’est-à-dire que le TGV quitterait la LGV pour les rejoindre. Enfin, l’idée de créer une gare TGV dans les Vosges est à retenir. Cette liaison ferroviaire s’inscrirait donc dans le projet global de réalisation de la LGV Barcelone-Cologne.
Il nous faut ensuite réfléchir à la réalisation d’un tracé gratuit d’une nouvelle autoroute, la fameuse A 32. Ce dernier se baserait avant tout sur le réseau traditionnel existant, qui serait mis aux normes autoroutières, avec très peu de tronçons neufs, de manière à préserver au maximum l’environnement. Ce tracé doit en outre délester l’A 31 tout en profitant aux Lorrains. En effet, une autoroute concédée, c’est-à-dire attribuée à un organisme et qui serait donc payante, provoquerait la gêne des riverains et ne desservirait nullement ces populations, surtout dans le sillon mosellan. L’idée est ainsi de mettre en place en Lorraine une taxe pour les poids lourds circulant sur le réseau d’autoroutes et de voies rapides non concédées. Le procédé s’inspirerait du système de péage allemand, dit « Toll Collect ». Celui-ci a été mis en place en janvier 2005. Il permet une facturation automatique pour tous les poids lourds de 12 tonnes et plus circulant sur le réseau autoroutier allemand. Ce sont en effet ces véhicules qui polluent le plus et qui dégradent le plus la chaussée. Ce système permettrait, à notre avis, de remédier au problème de délabrement et de saturation du réseau non concédé. Car, il ne faut pas perdre de vue que c’est grâce à la configuration « non concédée » de son réseau autoroutier que la Lorraine a pu développer une économie tournée vers l’extérieur et les échanges transfrontaliers. Le système « Toll Collect » garantira cette gratuité pour les Lorrains et n’inférera nullement dans le développement économique et dans les échanges lorrains. De plus, l’utilisation des ressources issues de ce péage pourrait servir à subventionner l’entretient et le développement du réseau routier lorrain.
Nous suggérons donc de mettre à 2X3 voies l’intégralité de l’A 31 en Lorraine, ainsi que d’aménager une autoroute A 32 gratuite avec un nouveau tracé. En effet, le tracé proposé par l’Etat français est une véritable absurdité. Pour que ce projet devienne réalité, il faudra de même construire la rocade Sud-Ouest de Metz, qui permettrait la création d’un périphérique messin complet. De même à Nancy, avec la mise à 2X2 voies de la liaison A 330 – RN 74, ainsi que de son prolongement Nord jusqu’à l’A 31 à Bouxières-aux-Dames via la vallée de l’Ameuzule. Concernant maintenant l’agglomération thionvilloise, nous devons envisager le contournement de Yutz vers le Nord. Ce dernier permettrait en effet une déviation de Thionville, qui plus est sans endommager les zones urbanisées de la vallée de la Fensch, comme par exemple la ville de Florange, actuellement menacée d’être littéralement coupée en deux par le projet autoroutier proposé par Paris.
L’A 31 devra être élargie en priorité entre Metz et Nancy et entre Metz et Richemont, dans le but de sortir la Lorraine de sa situation actuelle de congestion. Certaines parties ont d’ailleurs commencé à être aménagées. L’ensemble de ces travaux ne sera néanmoins pas suffisant pour garantir une fluidité parfaite du trafic et pour conforter la place de notre province en tant qu’espace au cœur des flux européens. Ainsi, la mise en place d’une autoroute A 32 est absolument incontournable.
Celle-ci devra donc être non concédée, mais payante uniquement pour les poids lourds de 12 tonnes et plus. Elle sera par conséquent gratuite pour tous les autres usagers, à savoir la majorité des Lorrains. Cette nouvelle A 32 doit en outre permettre de dédoubler l’A 31, en se basant le plus possible sur des infrastructures existantes, de manière à en limiter le plus possible le coût, en ayant recours le moins possible à des tracés neufs. L’environnement en sera de même davantage préservé. Toutefois, pour répondre efficacement à un problème régional d’origine continentale, le dédoublement de l’A 31 doit être total, c’est-à-dire pas uniquement dans le sillon lorrain, mais au contraire de Beaune jusqu’à la frontière luxembourgeoise. Cet élargissement est d’ailleurs bien entamé en Bourgogne. En vue d’une nouvelle A 32, nous pouvons nous baser sur l’ancien projet de liaison entre Poligny, dans le Jura, et Besançon. Ce tronçon constituerait ainsi le début, ou la fin, de la nouvelle A 32. En prolongeant cette liaison vers le Nord à travers la Haute-Saône, nous pouvons nous raccorder dans les Vosges. Il s’agira ensuite de suivre le tronçon de la RN 57 à 2X2 voies, ou en cours d’aménagement, entre Luxeuil-les-Bains et l’agglomération nancéienne, au niveau de Flavigny-sur-Moselle, qui sera à mettre aux normes autoroutières. De même, nous sommes d’avis pour le tronçon suivant, c’est-à-dire entre Metz et Nancy, d’aménager des routes départementales. La RD 913 entre Bouxières-aux-Chênes et Létricourt en Meurthe-et-Moselle, ainsi que la RD 955 entre Létricourt et Metz en Moselle seraient concernées. Une fois ces routes mises aux normes autoroutières, la réalisation d’un tracé neuf de 8 à 10 km entre Liocourt et Létricourt est nécessaire, afin de pouvoir connecter les deux routes et donner naissance à une A 32 Est entre les deux métropoles lorraines. Ce tracé a l’avantage de relier directement les deux villes, de desservir l’aéroport régional et la zone de l’espace central et ce, sans porter autant d’atteintes à l’environnement que le dernier tracé de l’A 32 proposé par la France.
Une grande déviation Est de Nancy serait de même à réaliser, dans l’optique de relier les communes de Bouxières-aux-Chênes à Flavigny-sur-Moselle, tout en desservant le Sud-Est nancéien. Concernant maintenant la section Nord de l’A 32, que l’on pourrait qualifier d’internationale, le tracé passera à l’Ouest, afin de se rattacher à l’autoroute luxembourgeoise A4 au niveau d’Esch-sur-Alzette. Nous envisageons de le faire débuter au niveau de la nouvelle rocade Sud-Ouest de Metz, qui est donc à aménager, voire au niveau de l’autoroute A4 à Conflans-en-Jarnisy. La liaison desservirait ainsi Piennes et se raccorderait à celle d’Esch-Belval par l’autoroute A 30, avant de rejoindre l’autoroute A 4 luxembourgeoise.
Ces deux autoroutes parallèles en service, à savoir l’A 31 élargie et la nouvelle A 32, permettraient une démultiplication des flux Nord-Sud en Lorraine. La section Toul-Nancy-Dieulouard doit de même être soulagée par la création d’un nouvel itinéraire plus direct. Dans cette optique, le tronçon Toul-Nancy deviendrait A 314 et celui reliant Nancy à Dieulouard marquerait le début de l’autoroute A 33. Ce nouvel itinéraire de l’A 31 emprunterait la RN 411 qui serait mise aux normes autoroutières, ainsi qu’un contournement de Toul réaménagé au niveau de l’A 31 par la création d’une continuité directe vers le Nord en direction de Dieulouard via Dommartin-lès-Toul. Pour terminer sur ce point, il serait intéressant de mettre la RD 910 en voie express, afin de relier l’A 31 à l’A 32.
Nous souhaitons également la construction d’un canal à grand gabarit Saône-Moselle. En effet, une partie de la Moselle est canalisée entre Neuves-Maisons et Coblence en Allemagne où elle se jette dans le Rhin, depuis son inauguration en 1964. Mais le principal problème de cette Moselle canalisée à grand gabarit est tout simplement qu’elle n’a pas de prolongement vers un autre bassin hydrographique, notamment vers la Seine ou encore le Rhône. L’aménagement actuel en grand gabarit se termine ainsi au Sud en « cul-de-sac » fluvial et ne profite par conséquent qu’aux relations avec l’Europe du Nord, notamment avec les ports d’Amsterdam, de Rotterdam, du Bassin de la Ruhr, de Hambourg et de Francfort. En ce sens, la réalisation d’un canal Saône-Moselle constituerait un atout stratégique indéniable dans l’ouverture et la connexion de notre province au réseau fluvial du bassin méditerranéen. Elle permettrait également un report important du transit de marchandises de la route sur le fleuve. Un tel projet consisterait à connecter le Rhône au Rhin via la Saône et la Moselle, toutes deux mises au gabarit européen sur les sections actuellement manquantes, en particulier sur l’axe Châlons-sur-Saône-Epinal-Neuves-Maisons. Les conditions topographiques environnementales et surtout politiques sont en effet beaucoup plus propice à la réalisation d’une connexion via la Saône et la Moselle, que par un passage « forcé » par l’étroite vallée du Doubs. La Saône et la Moselle étant le prolongement naturel de la vallée du Rhône. Cette liaison fluviale à grand gabarit entre la mer du Nord et la Méditerranée est une des meilleures réponses à la saturation du corridor européen de transports Nord-Sud traversant la Lorraine.
En reliant ainsi directement et efficacement par la route, le fer et le fleuve les quatre grandes constituantes du sillon lorrain, à savoir Thionville, Metz, Nancy et Epinal, ces grands aménagements devraient assurer le succès de la métropole lorraine. La réalisation de cette dernière est en effet en grande partie subordonnée à l’aménagement dans l’espace intermédiaire entre Metz et Nancy d’un véritable nœud de transports capable d’assurer l’interconnexion du bipôle lorrain et de jouer un rôle d’entraînement pour toute la Lorraine. Dans cette optique, la zone aéroportuaire de Louvigny, qui serait alors fortement desservie en transports avec deux autoroutes, deux lignes à grande vitesse et deux départementales, dont une en voie express, serait largement susceptible d’accueillir une grande plateforme multimodale rail, route et air, ainsi que de travailler en partenariat avec d’autres plateformes, plus modestes, disséminées sur tout le territoire lorrain. Dans cette configuration, notre belle province deviendra l’une des grandes plateformes multimodales de l’Europe occidentale. Située au centre d’un marché de 125 millions de consommateurs dans un rayon de 500 km, la Lorraine exploitera enfin sa position géographique exceptionnelle en se retrouvant en liaison directe avec les plus grands pôles économiques. Un tel schéma de transports serait enfin synonyme de renforcement de la coopération transfrontalière entre tous les partenaires de l’institution « eurorégionale ».
Cette brève analyse que nous venons de développer peut avoir valeur de proposition de schéma lorrain multimodal des transports pour 2030. Ce dernier est sans conteste un facteur de développement, mais aussi de contraintes. En effet, il va renforcer la situation géographique et l’unité de notre province. Il interpelle cependant au sujet de l’épineuse question des financements et de la mise en place de partenariats entre les investisseurs, qu’ils soient publics ou privés. Car pour tout démarrage de travaux, il nous faudra malheureusement avoir l’accord de l’Etat français et des différentes collectivités territoriales, qui devront surmonter leur manque récurrent d’unité. Enfin, la nouvelle idéologie issue du « Grenelle de l’Environnement » risque de constituer un obstacle, en privilégiant certains principes au détriment de l’intérêt de la Lorraine et des Lorrains.
Cet article est également consultable sur le site BLE Fondation: http://blefondation.e-monsite.com/rubrique,cercle-de-reflexion,246864.html.
(Sources : La Lorraine et la saturation des grands eurocorridors de Pierre-Hugues Bourlon-Demange ; Nouvelle géopolitique des régions françaises d’Eric Auburtin)
Sébastien
3 octobre, 2009 à 23:14
Bonjour,
Je me suis également intéresse à ce que pourrait donner un TGV Rhône-Rhuhr. J’avais imaginé quelques alternatives par rapport à votre tracé.
Au nord j’avais pensé à un passage plus à l’ouest. Il présenterait à mon avis plusieurs intérêts:
* création d’une gare TGV a Belval (Esh/Villerupt) pour la desserte du secteur Longwy-Thionville
* utilisation de la ligne Améville-Rombas pour l’accès nord de Metz
* tronc commun avec la LGV Est pour le franchissement de la Moselle, ce qui permet d’utiliser Vandières pour les TGV « longue distance » qui ne peuvent faire qu’un arrêt en Lorraine et ce qui crée un raccordement optimisé pour les Metz-Strasbourg.
Le choix, entre ce tracé et celui que vous proposez, dépend en grande partie du prolongement de la ligne au nord: par la vallée de la Moselle vers Trèves, Coblence et Bonn ou par les Ardennes Luxembourgeoises pour rejoindre la LGV Liège – Aix-la-Chapelle ?
Au sud j’avais hésité entre le tracé direct que vous avez présenté et un passage plus à l’est qui permettrait de desservir Épinal et Vesoul avant de rejoindre la LGV Rhin Rhône un peu à l’est de la gare TGV de Besançon. La perte de temps vers Lyon devrait être assez faible, avec un linéaire de voie à construire réduit et surtout une vraie plus value pour les Vosges, le Doubs et la Haute-Saône mais aussi pour des relations TER-GV entre la Lorraine et la Franche-Comté.
Il me semble que ce tracé pourrait être en tronc commun avec celui que vous proposez pour l’A32 sur une grande partie du trajet. En construisant la LGV entre les deux voies de l’autoroute il devrait être possible de réduire à la foi les coûts et les nuisances.
Sur la mixité fret-voyageur je suis par contre plus réservé. S’il s’agit juste de faire circuler des TGV de messagerie il n’y a pas de gros problème, mais si vous voulez une voie utilisable par les trains de fret lourd il faudra que les pentes soient beaucoup plus faibles. Or notre région est aussi vallonnée qu’elle est belle Il sera difficile sans travaux gigantesques de construire une ligne à la fois sans forte pentes (pour le fret) et sans virages (pour la grande vitesse). Il existe des axes historiques (par exemple Sarreguemines-Sarrebourg-Epinal-Belfort) qu’il pourrait être plus avantageux de réactiver pour le fret.