Dans un contexte économique plus que morose, les conséquences des restructurations militaires pourraient être dramatiques pour Metz, du fait de l’immense offre foncière qui va en découler. En effet, selon un rapport municipal sur l’état et l’utilisation de la surface du ban communal de Metz, cette disponibilité massive de terrains et de bâtiments militaires, qui dans bon nombre de cas tiendrait plus de l’atout que du handicap, puisqu’il suffit souvent de gérer l’arrivée des terrains sur le marché, va poser de sérieuses questions à ville au niveau de l’entretient et de la reconversion de ces futures friches. Avec pour risque évident de submerger le marché, mais aussi d’ôter les moyens nécessaires à une politique d’équipement et d’urbanisation raisonnée. Il convient donc de réfléchir à une plus large échelle spatio-temporelle. Et si une partie des militaires pouvaient rester sur place, cela arrangerait bien les affaires de la municipalité. Mais encore faut-il se donner les moyens de ses ambitions.
L’objectif immédiat du rapport précédemment énoncé était d’évaluer l’impact de la mise à disposition des sites libérés par l’armée, suite aux restructurations militaires. Et les résultats ne sont guère encourageants. En effet, il est établi que la surface totale du ban communal de la ville de Metz est de 4200 hectares. Les quartiers d’habitats n’y représentent cependant que 22% de cette surface. La densité est par conséquent faible, avec seulement 136 habitants à l’hectare. Il n’y a ainsi que 931 hectares de ville habités réellement. Quand à la ville active, celle des sites économiques, commerciaux, des services et de l’industrie, elle ne représente que 300 hectares, soit 7 % du ban communal. Par conséquent, il y a des centaines d’hectares de disponibles à Metz. Certaines grandes zones d’aménagement sont d’ailleurs en cours de commercialisation ou à l’étude, comme le quartier de l’Amphithéâtre, Sansonnet, les Coteaux de la Seille ou encore les Hauts-de-Vallières. De même, les projets de zones d’activités économiques sont également très nombreux. Les sites qui pourraient être cédés par l’armée dans les prochaines années représentent quant à eux 586 hectares sur l’ensemble de l’agglomération (plus de 100 hectares pour les sites cessibles, 380 pour la base aérienne 128 et 101 autres potentiellement cessibles). Autrement dit 63 % de la ville habitée de Metz ! C’est énorme et c’est une véritable une bombe à retardement ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il faudra au moins cinquante ans pour que le marché absorbe tous ces hectares. Si bien qu’il continuera malheureusement à avoir des friches militaires à Metz pendant tous ce temps, voire plus. Et encore, tout cela ne tient pas compte des futures friches hospitalières liées à la construction de deux nouveaux hôpitaux ! Ainsi, pour remplir les 586 hectares par du logement, il faudrait un apport de 80 000 habitants dans 38 000 logements, en se basant sur la densité urbaine actuelle ! Une hypothèse complètement utopique. Au rythme actuel des ventes, il faudrait 60 ans pour tout commercialiser, sans compter les secteurs en projets cités précédemment. Ainsi, il y a 8000 logements dans les tablettes de la municipalité, plus ou moins avancés, sur l’ensemble de l’agglomération : de 1600 à 2000 sur les coteaux de la Seille, 1500 dans le quartier de l’Amphithéâtre et jusqu’à 3000 sur 57 hectares des Hauts-de-Vallières, qui comptent actuellement 1070 logements. Ce dernier projet d’urbanisation prévoit en outre la construction d’une maison de retraite. De même, le futur transport en commun en site propre pourrait desservir ce quartier via la coulée verte qui structure la colline, mais à condition que la commune de Saint-Julien-les-Metz soit d’accord. Enfin, il faudrait encore ajouter au rang des projets, 760 000 m² de locaux d’activités, dont 400 000 m² de bureaux ! De quoi tenir une quarantaine d’années au rythme actuel ! Metz subit donc des bourrasques comme la ville n’en a plus connu depuis les conflits armés qui ont marqués sont Histoire trois fois millénaire. L’hémorragie suite aux restructurations militaires, des projets non aboutis comme l’Amphithéâtre et le Technopole 2 sont par ailleurs arrivés au pire moment de la crise…
Pour tenter de trouver une solution à tous ces problèmes, en apparence insolubles, il convient de recourir à la planification, car la ville ne peut pas tout mettre sur le marché en même temps. Il faut au contraire échelonner les projets et avancer par étape. L’enjeu est donc dans le portage du foncier. La ville et la Communauté d’Agglomération de Metz Métropole (CA2M) devront prendre leurs responsabilités, une fois n’est pas coutumes. Mais cela va coûter très cher, car même si la France cède tous ces terrains à l’euro symbolique, il va bien falloir tout de même entretenir les bâtiments, avant de pouvoir leur trouver une nouvelle vocation ou de les mettre sur le marché. L’offre foncière est beaucoup trop abondante à Metz et il convient d’en prendre compte pour les restructurations militaires. Mais déjà, même sans les conséquences iniques du Livre Blanc, l’offre était trop abondante !
Mais d’où cela peut-il bien venir ? Pour le comprendre, un éclairage historique s’avère nécessaire. La ville de Metz a en effet la « chance » de ne pas être coincée dans ses limites communales. Elle possède d’ailleurs l’un des bans communaux les plus confortables des villes de cette importance et cela n’a pas été sans conséquences sur son attitude vis-à-vis de son environnement et son voisinage au cours du demi-siècle écoulé. C’est en 1961 que Raymond Mondon fait adopter l’intégration à Metz des trois communes périphériques immédiates que sont Vallières, Borny et Magny. Si elle n’offrait à cette époque que 4000 habitants supplémentaires, elles laissaient néanmoins entrevoir un potentiel foncier fantastique. La ville ne se gêna par la suite pas pour aménager et urbaniser ces secteurs. Mais Metz, n’ayant pas, contrairement à Nancy, besoin de ses voisins pour stimuler sa propre croissance conduit une politique assez individualiste. Une tendance que Jean-Marie Rausch portera jusqu’à la caricature avec un district qui ne comprenait ni Woippy ni l’essentiel des communes situées au Sud de l’agglomération où explosait une immense zone commerciale. Depuis 2002 et la création de la CA2M, la situation est quelque peu rentrée dans l’ordre, même si c’est toujours sur son propre territoire que la ville a pu construire son développement, par exemple avec le Technopole, ainsi que des opérations d’habitats programmés.
Loin de plonger dans le catastrophisme, il faut tout de même admettre que la situation future de la ville s’avère des plus délicates à négocier…