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Gandrange ou le cimetière lorrain des promesses non tenues

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Un certain 4 février 2008, le président de la France avait déclaré : « L’Etat préfère investir pour moderniser le site plutôt que de payer de l’argent pour accompagner des gens soit en préretraite, soit au chômage. Nous sommes prêts à mettre de l’argent pour faire des investissements qui auraient dû être faits depuis longtemps sur le site et qui n’ont pas été faits! » Tel était le discours prononcé lors d’une visite éclair de 45 minutes devant plus de 400 sidérurgistes sur le gigantesque site industriel d’ArcelorMittal de Gandrange, alors que le géant mondial de l’acier venait d’annoncer la fermeture prochaine de l’aciérie et du train à billettes. L’ambition clairement affichée était de maintenir l’aciérie en activité. Résultat un plus tard de ce formidable coup médiatique et de toutes ces gesticulations: ArcelorMittal a bouclé son projet. 

Mais le 13 février suivant, tout en annonçant un bénéfice net 2007 de quelque 8 milliards d’euros, Lakshmi Mittal, le patron indien d’ArcelorMittal, avait fait valoir qu’une restructuration de Gandrange était « la meilleure solution pour la Lorraine », confirmant la suppression de 575 des 1 108 emplois du site. D’une part, comment un mec qui n’a pratiquement jamais mis les pieds en Lorraine et qui ne connaît strictement rien à notre histoire pourrait-il avoir la prétention de dire ce qui est bon ou pas pour notre province ? D’autre part, ou bien le patron fait preuve d’une sénilité précoce, ou bien il est comme à l’accoutumé d’une mauvaise foi tout bonnement inouïe pour avoir le culot de faire croire aux Lorrains que la suppression de près de 600 emplois est la « meilleure solution pour la Lorraine ». 

Ainsi, comme on pouvait s’en douter, les propositions d’ArcelorMittal pour la revitalisation du bassin d’emploi sont loin de ce qui avait été donné aux Lorrains d’espérer, et ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. Aujourd’hui l’inquiétude touche également les salariés du site voisin d’ArcelorMittal de Florange dans la vallée de la Fensch, où l’un des deux hauts-fourneaux restera plusieurs mois à l’arrêt. Si ce dernier site ne se voit pas attribuer la captation et la séquestration du CO2 par la réalisation du projet ULCOS, pour lequel la Lorraine est en concurrence avec l’Allemagne et l’Angleterre, il se pourrait bien que l’aventure de la sidérurgie touche à sa fin à Florange, à moins filière à chaud soit maintenue en activité. Mais pour combien de temps ?

Tous les Lorrains et les sidérurgistes s’estiment donc naturellement floués, trahis, par les promesses du président français et la stratégie du géant mondial de l’acier, qui a apparemment la mémoire bien courte après la fusion opérée. Certains réclament alors que le président de la France devrait revenir à Gandrange pour s’expliquer, tout en prévenant que les salariés lorrains l’attendraient « non pas avec des grains de riz, comme l’année dernière pour son voyage de noces, mais avec des boulons ». On l’aura compris, ce dernier ne risquera pas un retour ô combien houleux en Lorraine. Les syndicats estiment quant à eux que la promesse faite aux « Gandranges » relevait d’un discours trompeur et manipulateur particulièrement bien huilé. De même, de source toujours syndicale, seulement 43 salariés auraient bénéficié d’une mutation effective, ce qui veut dire qu’il en resterait environ 400 à reclasser. 

Le site tourne actuellement au ralenti pour ne pas dire qu’il est au point mort. Ainsi, en décembre, la production s’est élevée à 1 500 tonnes (t) contre 90 000 t/mois normalement. Des mesures de chômage partiel sont imposées aux ouvriers alors que le groupe va annoncer prochainement 10 milliards de bénéfices pour 2008. La logique implacable des actionnaires ayant pris le pas sur la condition humaine.

Pourtant, en janvier dernier, un plan honteux de revitalisation du bassin de Gandrange avait été présenté en préfecture à Metz. La construction d’une centrale à gaz Poweo, qui devait créer des centaines d’emplois, n’y figurait même plus et le projet de formation aux métiers de la métallurgie ne concernait plus que vingt jeunes, au-lieu des 120 prévus, qui plus est dans une structure qui existe déjà. Pour les centrales, la raison en est toute simple : la mise en place d’infrastructures dont le coût serait trop élevé. De même, la réalisation d’une installation de recherche et de développement dédiée aux solutions câbles serait elle aussi abandonnée. Par ailleurs, ce plan sous-estimait complètement et allègrement l’impact de l’arrêt de Gandrange sur la sous-traitance. Au total, ce seront 3 500 emplois qui seront touchés par la restructuration. En outre, le tiers du budget de la convention de revitalisation est consacré au financement d’études, plus ou moins obscures. Ce qui est exorbitant et d’autant plus suspect que nombre d’expertises ont déjà été rendues. Cette convention prévoit enfin d’injecter trois millions d’euros, soit le montant maximum légal, afin de créer par un tour de magie 682 postes sur le bassin de Gandrange et dans la vallée de l’Orne.

En hommage aux promesses non tenues du président français, les ouvriers et syndicalistes de Gandrange ont dressé une stèle à l’endroit ou ces belles paroles reposent désormais. Ainsi, les Lorrains accusent le président de la France de leur avoir menti.

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3 Commentaires

  1. bloggerslorrainsengages

    18 janvier, 2012 à 21:19

    La fermeture de l’aciérie a fait de Gandrange le symbole économique de la désindustrialisation et de politique anti-sarkozyste. Depuis bientôt 4 ans, le maire de Gandrange reçoit des politiques et des journalistes du monde entier sur les décombres de l’aciérie. De quoi alimenter la notoriété planétaire de cette commune de 2 800 habitants. Le mythe Gandrange est né de la force évocatrice de cette cathédrale d’acier abandonné sur l’autel de la finance.

  2. bloggerslorrainsengages

    22 janvier, 2012 à 22:51

    2 ans après les promesses de Nicolas Sarkozy et 30 ans après celles de François Mitterrand, la Lorraine attend toujours sa reconversion et son renouveau.

    A Gandrange, le péché originel de Sacilor a été le rôle de poubelle sociale que la société a assumé depuis 1969. Cette aciérie bâtie pour fonctionner avec 2 300 personnes en a eu plus de 5 000. Tous les virages technologiques ont été manqués. Toute la vallée, hormis Amnéville-les-Thermes qui a pris une direction différente (tourisme), a été sacrifiée. Il apparaît avec le recul que la Lorraine a été traitée comme une colonie.

  3. Urgo

    27 août, 2017 à 15:54

    Ce sont les « barons de l’acier » qui ont mis leur veto, afin d’empêcher à d’autres industriels de s’installer en Lorraine. Ils craignaient avant tout de perdre leur main-d’oeuvre captive, attirée par des salaires plus intéressants, chez un concurrent. Ils auraient alors dû, augmenter les salaires pour garder le personnel. Cette mono-industrie a été voulue et agréée par les politiques. Et quand la catastrophe arrive, il est trop tard pour rattraper le coup (coût).

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