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La petite Carcassonne lorraine

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Cette semaine nous nous rendons à Rodemack, au Pays des Trois Frontières en Moselle afin d’arpenter les rues pavées de ce magnifique village médiévale. Lumière sur la « petite Carcassonne lorraine comme on l’a surnomme …

Rodemack

La Porte de Sierck à Rodemack (Crédits photo : Thomas RIBOULET pour le Groupe BLE Lorraine)

Rodemack s’est paré de ses plus beaux atouts pour ces fêtes de fin d’année, comme en témoigne, le Marché de Noël médiévale, qui trouve au cœur de cette charmante petite cité fortifiée lorraine nichée au creux d’un paysage de collines revêtues d’un léger manteau blanc, un écrin idéal. Si le bourg fait partie du très convoité et fermé cercle des « plus beaux villages de France » depuis 1987, la beauté de cette paisible localité ne serait rien sans le travail de restauration et de mise en valeur mené depuis des dizaines d’années par l’Association des Amis des Vieilles Pierres pour la Sauvegarde de Rodemack. Depuis sa création, cette dernière a lancé moult chantiers d’insertion de jeunes bénévoles ayant permis la réhabilitation d’une grande partie des fortifications extérieures, des tours de flanquement, mais aussi des travaux intra-muros. De même, certaines rues ont été pavées, le vieux lavoir a retrouvé une toiture et un pont de pierre permet maintenant de franchir le ruisseau dont les berges ont été consolidées. A noter enfin que les travaux de reconstruction des courtines ont été complétés par un sentier piétonnier et par un véritable jardin médiéval. Et avec une hausse de la fréquentation touristes, résultant de la mise en valeur du village et des nombreuses manifestations médiévales et artistiques organisées tout au long de l’année, notamment  la fameuse et désormais traditionnelle Fête Médiévale qui est une reconstitution complète du village au temps des chevaliers, c’est toute la citée fortifiée qui revit. Ainsi, la construction de logements neufs par delà les remparts se multiplie. De même,  un tissu commercial a été recrée avec une épicerie, deux restaurants, une pharmacie et un médecin. Rodemack propose un cadre de vie exceptionnel. La cité, encore entourée de plus de 700 mètres de remparts, présente en effet de nombreux attraits et charme le visiteur par ses ruelles typiques où l’on respire le parfum d’antan.

Parcourir le bourg, arpenter ses chemins secrets, c’est remonter le fil d’une histoire tumultueuse. Rodemack remonte au moins à l’époque gallo-romaine dans la mesure où les traces d’un ancien castellum ont été retrouvées à proximité, près de la voie romaine reliant Metz (Divodorum) à Trêves (Augusta Trevorum). Au début du IXème siècle, Louis le Pieux fit don de la localité à l’ abbaye de Fulda en Allemagne. C’est en 1190 qu’Arnoux Ier usurpa les biens des abbés et fit construire un premier château féodal à l’emplacement de la forteresse actuelle. Ce seigneur reconnut comme suzerain, le Comte de Luxembourg. À partir de cette date, l’histoire du bourg changea radicalement. En effet, très vite les nouveaux seigneurs prirent une grande importance au niveau du comté du Luxembourg, dans la mesure où aimant guerroyer, ils augmentèrent rapidement leurs possessions. Leurs descendants successifs en firent de même, soit par alliances, soit par conquêtes, si bien qu’au paroxysme de leur puissance, la seigneurie s’étendit jusqu’aux frontières de Metz. Mais une alliance avec le roi de France ainsi qu’une forte rançon qu’ils durent acquitter précipitèrent leur déclin. En 1492, le dernier seigneur de Rodemack est déclaré félon. Tous ses biens furent confisqués pour être remis au Margrave de Bade, Christophe Ier, par l’empereur Maximilien d’Autriche. Ce changement de seigneurie amena à Rodemack de nombreuses vicissitudes au moment où le règne de Charles Quint allait bientôt débuter. Ainsi, en 1542, une armée française commandée par Charles d’Orléans et Claude de Guise se rendit maître de la forteresse. Mais le traité de Crépy en 1544 rendit la cité à l’Espagne. En 1552, Rodemack tomba à nouveau pour quelques mois aux mains des Français. Ces deux évènements ne furent que le début d’une alternance de domination française et espagnole notamment, dictée par les sièges et les traités, qui s’acheva par la prise de contrôle de la cité par les Français, officiellement reconnue par le Traité de Versailles le 16 mai 1769. La cité fut par la suite relativement épargnée par les malheurs, en dehors d’un gigantesque incendie qui ravagea plus d’une centaine de maisons et granges. Ceci explique que la plupart des demeures anciennes du village datent du XVIIIe siècle. Mais la position géographique de Rodemack ne favorisait pas à l’époque la tranquillité. Si bien qu’en 1792, le bruit des armes se fit à nouveau entendre et le bourg fut une nouvelle fois assiégé par des troupes ennemies venues en nombre, celles du duc de Brunswick envahissant la France pour renverser la toute jeune nation révolutionnaire. La forteresse fit parler d’elle pour la dernière fois en 1815, au moment où les armées prussiennes qui en firent le siège durent se retirer après des pertes sévères infligées par la garnison forte de 500 hommes du général Hugo, le père du célèbre écrivain. 

Plusieurs monuments remarquables témoignent encore et toujours de ce passé mouvementé. Par exemple, la Maison des Baillis, parfois également nommée « Petit château », construite en 1560 par les Margraves de Bade, servait de résidence aux représentants des Seigneurs, que l’on appelait donc les Baillis.Transformée aujourd’hui en restaurant, on y trouve encore de magnifiques salons du XVIIIème siècle. Des bâtiments de l’ancien château féodal, il ne subsiste que les écuries, le puits et le magasin à poudre. Le Pavillon des Officiers fut quant à lui construit sur les ruines de l’ancien château féodal, dans la cour d’honneur. L’entrée de l’enceinte, construite aux XVIème et XVIIème siècles, se compose de trois tours: la « Tour Boncour », couverte d’une toiture, et les « Tours Jumelles » qui encadraient le pont-levis et donnaient accès à la citadelle. Cet ensemble était relié à une barbacane par un avant mur sur lequel était installé un second pont-levis. Le Pavillon des Officiers a été restauré au début de XXème siècle par la famille De Gargan, qui l’a acquis en 1869 et classé Monument Historique en 1981. Il est resté dans la famille jusqu’en 2003, année où la Communauté de Communes de Cattenom et Environs l’a acquis en vue d’en faire un lieu ouvert au public. La Chapelle Notre Dame fut construite en 1658 par les habitants du village en remerciement à la Vierge, pour la fin de la guerre de Trente ans et des maux qui l’accompagnèrent: peste, disette et ruine. Il faut dire qu’à la fin de cette guerre, Rodemack ne comptait plus que 40 foyers au lieu de 110 comme en 1636. La légende attribue cependant sa construction au vœu d’un seigneur qui aurait échappé à ses poursuivants en effectuant un saut avec son cheval du haut du rocher où se trouve cette chapelle, ce qui lui sauva la vie. 

L’Eglise St Nicolas fut élevée un peu plus tard, en 1783, à l’emplacement d’une ancienne église romane érigée en 915. En effet, cette dernière, malgré des agrandissements successifs, ne pouvait plus contenir tous les paroissiens. Durant la révolution, cette église servit également de lieu de réunions électorales. Au cours de l’une d’entre elles, à l’occasion de l’élection du juge de paix du canton, un garde national fut tué et il y eu plusieurs autres blessés. Le culte fut alors interrompu dans l’église pendant près d’une année, puis elle fut à nouveau consacrée afin de pouvoir à nouveau y célébrer l’office. A l’intérieur, on trouve le monument funéraire de l’un des derniers seigneurs de Bade, Herman-Fortuné, ainsi que de sa femme Marie-Sidonie. Leurs statues sont toujours pieusement agenouillées devant un Christ baroque. En outre, Rodemack est surtout connu pour sa fameuse Porte de Sierck, ainsi que pour les 700 mètres de remparts encore existants, qui ont été construits aux XIIIème et XIVème siècles par les habitants du bourg, après la signature de la charte les affranchissant. Deux portes donnaient accès au village, à l’Ouest, la Porte de Thionville, détruite au milieu du XIXème siècle, et à l’Est, la Porte de Sierck, défendue par deux tours rondes. Au Moyen Age, cette porte s’appelait « Porte de la Franchise ».  Sur la partie extérieure de la tour couverte se trouve un cadran solaire privé de son style. Au milieu de l’arche, on remarque une statuette de St Roch. 

Le Jardin Médiéval est devenu depuis sa création une autre curiosité incontournable de la cité fortifiée. Il s’agit d’une réplique des jardins réalisés selon un plan géométrique simple que l’on trouvait au Moyen Age. Ce jardin, surtout utilitaire, se compose de 4 espaces. Le premier espace est consacré aux plantes médicinales et renferme par exemple de l’absinthe (pour donner de l’appétit), du thym (antibiotique par excellence), de la verveine (qui chasse la fièvre) ou encore de la mélisse (calmante et antispasmodique). Le second espace présente les plantes condimentaires pour aromatiser et épicer la cuisine. Les légumes et plantes vivrières, comme le cardon (ancêtre de l’artichaut), l’oseille ou la menthe sont regroupées au sein d’un troisième espace. Enfin, dans un dernier espace se trouvent les fleurs et plantes d’ornement. Le lavoir complète enfin la palette des principaux monuments remarquables de Rodemack. Il fut encore en service dans les années 1960, mais est toujours alimenté par l’une des nombreuses sources qui émergent au pied du château. Devant l’entrée du lavoir se trouve un bildstock datant du XIème siècle. Des dix croix, dont six de type Bildstock (ou calvaire) qui sont recensées à Rodemack, il est probablement le plus ancien. La base du fût, rond, est du style gothique flamboyant des XVème et XVIème siècles. Le retable reprend la scène habituelle du Christ en croix, entouré de la Vierge Marie et de St Jean. Tant de raisons font donc de la « petite Carcassonne lorraine » un site absolument remarquable et préservé, qui transporte les visiteurs dans l’univers fascinant et fabuleux de Moyen-Age. A DECOUVRIR ABSOLUMENT !

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