Nous nous rendons cette semaine à Nancy pour y admirer une autre merveille cachée et méconnue de la cité ducale, l’église Notre-Dame-de-Bonsecours, tout juste restaurée et rouverte au public.
Intérieur très riche et ornementé de l’église Notre-Dame-de-Bonsecours à Nancy (Crédits photo : François Bernardin)
Au préalable, un bref rappel historique est nécessaire afin de mieux comprendre les origines du sanctuaire. Le 5 janvier 1477, emmenés par le duc René II, les Lorrains écrasèrent les Bourguignons. Cette date marque la fin de la bataille de Nancy par la mort de Charles le Téméraire. Des milliers de soldats ayant péris dans la bataille sont inhumés dans une fosse commune non loin du ruisseau de Jarville. L’étendard de René II portait lors de la bataille l’image de l’Annonciation. Un religieux obtint en 1484 du duc la permission d’élever une chapelle et un ermitage sur ce lieu emblématique qui symbolise l’indépendance lorraine face aux ambitions étrangères. René II place le sanctuaire sous le patronage de Notre-Dame-de-Bonsecours, même s’il est parfois nommé Notre-Dame-de-la-Victoire. Les Lorrains l’appellent quant à eux « chapelle des Bourguignons ». Cette dernière abrite une statue de la Vierge sculptée en 1505 par Mansuy Gauvain, artisan ordinaire de René II, qui travaillait également à la porterie du Palais ducal. Cette œuvre demeure un rare spécimen de la sculpture lorraine de la fin du Moyen-âge.
La chapelle, qui fut l’objet de remaniements et d’agrandissements successifs, fut rasée par Stanislas qui posa la première du nouveau sanctuaire en 1738 avec l’intention d’en faire la chapelle funéraire de sa famille. En effet, n’étant pas de la maison de Lorraine, les Leszczynski ne pouvaient pas prétendre à une sépulture au côté des anciens ducs dans la chapelle des Cordeliers. La réalisation de ce sanctuaire permit donc au roi déchu de Pologne d’ancrer son règne et la postérité au cœur de la mémoire des Lorrains. Ainsi, il commanda au jeune architecte Emmanuel Héré une église présentant une parenté certaine avec l’ancien sanctuaire du cimetière Saint-Nicolas de Vienne. Héré inséra dans la façade quatre colonnes colossales d’ordre composite provenant du château inachevé de la Malgrange. Stanislas ne resta pas insensible au culte marial lié à cette église qui lui rappelait toute la vénération dont la Vierge jouissait dans son pays d’origine. La localisation de l’église de Bonsecours à la croisée des chemins de la Malgrange, de Nancy et de la route de Lunéville, explique aussi son choix pour y réaliser son sanctuaire. Stanislas souhaitait en outre, par nostalgie, une église à l’atmosphère polonaise. Ainsi, Notre-Dame-de-Bonsecours, à la décoration intérieure très chargée, est l’un des rares témoignages du style rococo religieux en France. Celui-ci est particulièrement expressif dans les statues polychromes qui ornent la nef, la chaire très ouvragée, les stucs colorés des placages et la grille du chœur. Les voûtes peintes de fresques de 1742 par Gilles Provençal représentent l’Annonciation, l’Assomption, l’Immaculée-Conception et des emblèmes de la Vierge. Ces fresques témoignent de la diversité culturelle des Lumières, avec des influences venues de France et d’Italie notamment, conformes au goût de Stanislas. Les drapeaux turcs décorant le sanctuaire évoquent quant à eux les victoires des princes lorrains lors des batailles du Saint-Gothard (5 août 1664 par Charles V), de Mohács (12 août 1687 par Charles-François) et de Méhadia (13 juillet 1738) par François III.
D’un point de vue architectural, Emmanuel Héré réalise ici l’une de ses premières œuvres terminées en 1741. Limité par l’espace disponible, il donne à la façade étroite cette forme très élancée. La hauteur est encore accentuée par un clocher, surmontée d’un toit bulbeux, couronné d’une flèche. De même, l’étroite nef n’en est pas moins haute de 18 mètres, coupée par une archade surbaissée et dominée par la voûte. Les murs sont couverts d’un revêtement de stuc coloré, aux motifs géométriques, donnant ainsi l’apparence du marbre, ainsi que d’un arc triomphale tendu de fausses draperies. Un orgue Cuvilier complète l’harmonieux ensemble au-dessus de l’entrée. Mais ce sont véritablement les tombeaux de Catherine Opalinska, de François-Maximilien Ossolinski, de Stanislas Leszczynski et de Marie Leszczynska qui constituent les joyaux de Notre-Dame-de-Bonsecours.
Le monument de la reine Catherine Opalinska, œuvre de grandes dimensions, est mis en place en 1749. La reine y est représentée agenouillée sur son tombeau, ce dernier étant placé devant une pyramide de marbre et supporté par un socle élevé. Un ange la guide vers le ciel, dont les splendeurs entrevues éclairent son visage. A ses pieds ont été déposés son sceptre et sa couronne. Enfin, un aigle qui tourne sa tête en direction de la souveraine couvre le tombeau de ses ailes magnifiquement déployées. L’ensemble est exécuté dans la pure tradition berninesque, reflétant ainsi une attitude théâtrale, un corps déhanché et des vêtements agités, courant qui inspirait les artistes de cette époque.
François-Maximilien Ossolinski, grand trésorier de la couronne de Pologne et grand maître de la maison du roi, avait fidèlement suivi Stanislas. Il est représenté sur son tombeau en marbre blanc enveloppé dans le grand manteau de chevalier du Saint-Esprit, à côté d’un couple d’angelots veillant sur les armes du duc.
Stanislas, décède quant à lui le 23 février 1766, à quatre-vingt-huit ans au Château de Lunéville. Mais Louis XV, gendre du roi de Pologne, sera moins généreux que son beau père pour Catherine Opalinska. Le mausolée de Stanislas est placé juste en face du monument de cette dernière. Son ordonnance générale est la même que celle du tombeau de Catherine. Le roi, vêtu à la polonaise, est représenté couché à la manière antique. Sa main droite est appuyée sur un bâton de commandement. Les attributs de la royauté sont en outre à ses côté. Sur le vaste socle qui supporte le tombeau est posé le globe terrestre à demi enveloppé dans un voile de deuil, symbole de la douleur universelle que causa la mort du souverain. On remarque à gauche, la Charité qui se pâme, prostrée, et à droite, la Lorraine agenouillée, tournant avec affection son regard vers le souverain.
Enfin, Marie Leszczynska, fille de Stanislas et reine de France, pour marquer son affection à Nancy, avait souhaité que son cœur repose dans la cité ducale. Elle décéda le 24 juin 1768 et son cœur fut transporté dans le caveau le 23 septembre de la même année. Le monument de Marie Leszczynska est de petite dimension, un médaillon de marbre blanc que découvrent deux génies en pleurs, dont l’un présente le cœur en sa main, donne le profil du visage de la reine.
L’église, qui reçu maintes visites princières, ne devient paroisse qu’en 1844. Le pape Pie IX, offre en 1865, un diadème, surmonté d’une croix de Lorraine, tenu par deux anges symbolisant la France et la Lorraine. Depuis, le sanctuaire est devenu indissociable de l’histoire de la Pologne. D’illustres personnalités comme de simples citoyens polonais de passage se sont recueillis et se recueillent encore sur le cénotaphe de Stanislas.
Artichaud
17 novembre, 2008 à 19:03
Notre-Dame de Bonsecours est tout sauf « cachée » et « méconnue »..c’est un des fleurons du patrimoine et du tourisme nancéien…
blogerslorrainsengages
17 novembre, 2008 à 23:57
Oui, vous avez raison, mais ce qui nous a réellement motivé à écrire ceci, c’est que ce fleuron est loin d’être un évidence pour nos amis Barisiens ou Thionvillois par exemple.
Artichaud
18 novembre, 2008 à 0:25
Pourtant Bar-le-Duc et Stanislas c’est un grand passé commun…
Je suis sur que les gens de Bar-le-Duc connaissent ND de Bonsecours
blogerslorrainsengages
18 novembre, 2008 à 10:11
Espérons le si vous le dites et qu’ils viennent la visiter.
LAHITTE
4 octobre, 2010 à 17:47
Désolé ! Mais je suis de passage our quelques jours à Nancy où j’ai un programme chargé. Ayant appris l’existence du Tombeau de Stanislas, et désireux de le visiter, j’ai – en cherchant sur le net – trouvé des tas d’informations très documentées et illustrés qui m’ont confirmé dans mon intention, mais rien sur les jours d’ouverture de l’Eglise N-D. du Bon Secours. Sinon sur je ne sais plus quel lien la mention « Aujourd’hui (précision, lundi 4 octobre) : de 10hoo à 18hoo ». Et les autres jours ? Mesdames et Messieurs qui produisez les sites, soyez un peu … pratiques ! Cordialement, Jean-Claude Lahitte senior
bloggerslorrainsengages
4 octobre, 2010 à 18:16
Plus d’informations sur les visites ici : http://www.ot-nancy.fr/centre_historique/bonsecours.php
bloggerslorrainsengages
16 octobre, 2011 à 22:40
Joyaux de l’art baroque, l’église Notre-Dame-de-Bonsecours fait 37 mètres de long, 12 mètres de large et 18 mètres de haut. Mais l’édifice impressionne plus à l’intérieur.
Chassé de Pologne lorsqu’il arriva en Lorraine en 1737, Stanislas voulait quelque chose d’intime à Nancy, quelque chose qui lui rappelle son ancien pays. C’est pourquoi son fidèle architecte Emmanuel Héré, déjà auteur de la Place Stanislas, a donné à Bonsecours cette sensation que tout bouge, comme dans l’architecture de l’Europe de l’Est. Les mouvements sont partout : sur les fresques peintes au plafond, sur la robe de la Vierge de la Miséricorde éclairée miraculeusement par une lumière dont on ignore la provenance et surtout, dans le chœur. Entouré de ses rideaux couleur velours, ce dernier ressemble à une scène de théâtre où les seuls acteurs seraient les statues qui ornent les mausolées de Stanislas et de sa femme.