Projet phare du nouveau quartier de l’Amphithéâtre, le Centre Pompidou Metz inquiète, par ses dérives budgétaires et ses complexités architecturales, de plus en plus de contribuables de l’agglomération.
Il aurait dû être inauguré au moment de l’arrivée du TGV-Est à Metz, selon les doux rêves de l’ancien maire de la ville Jean-Marie Rausch. Aujourd’hui, il est toujours en construction, bien que depuis quelques semaines le chantier avance vite. Ce retard interpelle à plus d’un titre et se présente à nos yeux comme un premier hic. L’explication a pourtant le mérite d’être claire : la base du futur centre d’art contemporain repose sur 405 pieux de 11 mètres coulés dans le calcaire de l’ancien lit de la Seille. Au dessus, trois immenses galeries de 80 mètres de long, 14,5 mètres de large pour 6 de haut sont fixées sur un minimum d’appuis. Le but étant de maximiser le dégagement pour le visiteur. La longueur du chantier provient de la nécessité d’avoir terminé une galerie pour en raccorder une autre.
Mais la facture pour le contribuable s’annonce au final, elle, moins limpide et surtout plus indigeste. En apparence cependant. Si le coût total du projet est passé successivement de 35 millions d’euros à 45 puis 60 millions d’euros, les dérapages budgétaires sont certes critiquables, mais pas excessifs pour un bâtiment de cette envergure. A titre de comparaison, l’hôtel de ville de Montpellier de Jean Nouvel, actuellement lui aussi en construction, est chiffré à 120 millions d’euros. De même, la future antenne du Louvres à Lens n’avoisinera pas moins de 100 millions d’euros, même s’il est vrai que le rapport à la population (coût du projet par habitant) est moins avantageux pour le Centre Pompidou Metz. En outre, l’entreprise en charge du chantier, Demathieu & Bard, annonce d’ores et déjà une note supplémentaire de 7 millions d’euros. Les motifs apparents étant les retards et les difficultés techniques liées à cette audace architecturale signée Shigeru Ban et Jean de Gastines. En effet, point sensible du projet, le toit hexagonal, d’une envergure de 90 mètres, s’inspire de la forme d’un chapeau traditionnel chinois. Les architectes ont d’ailleurs dû revoir légèrement leur copie tellement la charpente apparaissait comme un problème insoluble pour les entreprises du bâtiment. Si bien qu’au final, en tenant des péripéties du chantier (retrait d’un cabinet d’architecture anglais), des assurances qui peinent à donner leur accord suite à la catastrophe du controversé nouvel aérogare de Roissy Charles de Gaulle, des plus values et des aménagements extérieurs et intérieurs, l’enveloppe globale devrait approcher les 80 millions d’euros, soit un prix au mètre carré de 4220 euros quand ce coût pour une telle structure oscille plutôt entre 4500 et 7100 euros. Le projet reste malgré tout l’un des moins chers d’Europe. Sauf qu’avec le nouvel investissement pour des transports en commun en site propre si cher à la ville, la municipalité messine n’exclut pas d’augmenter les impôts locaux au grand dam, bien évidemment, de l’opposition.
Autre point jugé sensible, le fonctionnement du centre, chiffré annuellement à 10 millions d’euros, comprenant entre autres les salaires d’une cinquantaine de personnes, l’entretien et les frais du bâtiment ainsi que le projet artistique. La CA2M (Communauté d’Agglomération de Metz Métropole) mettra 80% du montant sur la table, les 20% restants venant de fonds propres. Trop cher encore pour le maire de Metz, Dominique Gros, pour qui un retour à un budget annuel de fonctionnement de 7 millions d’euros est impératif. De nouvelles négociations avec les dirigeants de la maison-mère parisienne et avec l’Etat devraient être engagées. En effet, le Centre Pompidou de Paris ne compte pas verser un seul centime pour son antenne messine. Si bien que pour faire baisser la facture, un appel à des financiers privés n’est plus à exclure.
Ce qui est en réalité plus contestable dans toutes ces dérives budgétaires, ce sont les hésitations et les tâtonnements autour des différents organismes gravitant autour de la sphère Pompidou Metz, avec la multiplication des agences et autres associations de développement et de promotion formant une véritable constellation, aux missions floues et aux budgets opaques, ainsi que les changements dans la direction et la maîtrise du projet.
Il serait néanmoins véritablement irrévérencieux et ingrat de jeter la pierre sur cette formidable opportunité pour Metz et toute la Lorraine. Car si le Centre Pompidou Metz présente des dépassements budgétaires plus ou moins conséquents, son coût final reste acceptable par rapport à d’autres projets tout aussi ambitieux et osés. D’autant plus que selon les estimations officielles, ce centre d’art contemporain devrait attirer entre 250 000 et 400 000 visiteurs par an, ce qui représente une manne non négligeable, notamment pour les commerçants. De même les tarifs qui y seront pratiqués, entre 5 et 10 euros l’entrée, restent abordables. Il convient donc de voir le Centre Pompidou Metz plus comme un investissement culturel, un pari sur l’avenir, que comme une simple sortie d’argent.
Le rendez-vous est fixé au printemps 2010. On pourra vérifier si tout l’engouement populaire déjà manifesté pour la maison du projet se prolongera jusqu’à l’exposition inaugurale « Chef d’œuvres ? » qui regroupera entre autres, La femme à la guitare de Georges Braque, La tristesse du roi d’Henri Matisse, L’aubade, nu couché et musicien de Pablo Picasso et Le violon d’Ingres de Man Ray. « Chefs d’œuvres ? », qui sera l’une des plus importantes expositions jamais organisées en France, occupera tout l’espace du centre, c’est-à-dire les trois galeries superposées, ainsi que la nef monumentale. Suivront de nouvelles expositions régulièrement alimentées et renouvelées par les 60 000 œuvres du plus grand fond d’art contemporain d’Europe.