Après avoir bien failli disparaître au début du XXème siècle, le vignoble lorrain aborde depuis quelques années un spectaculaire redressement. A son paroxysme, ce vignoble, aujourd’hui l’un des plus petits de France, avec une superficie d’environ 180 hectares, compta jusqu’à 48 000 hectares de vignes en production. La Moselle, par exemple, était une des régions les plus viticoles, dépassant même la Champagne. Le contraste actuel est saisissant. Mais le déclin est maintenant bien enrayé.
Vignoble des Côtes de Toul à Bruley (Crédits photo : Terraner87)
La Lorraine possède une riche tradition viticole, séculaire, qui remonte à l’Antiquité romaine. La vigne, dont la plantation fut autorisée en Lorraine par l’empereur Probus en 283 après J-C fut chanté par le poète latin Ausone, décrivant toute la beauté de sa présence sur les rives de la Moselle. Les Ducs de Lorraine ainsi que les Evêques de Toul, Metz et Verdun entretinrent cette tradition viticole. Mais la concurrence des vins des régions du Sud et de l’Ouest de la France, les ravages des guerres de 1870 et de 1914 vinrent amorcer le déclin de ce vignoble jusque-là prospère. La perte des débouchés du marché allemand et surtout la crise du phylloxéra, maladie de la vigne, réduisirent presqu’à néant les dizaines de milliers d’hectares du vignoble lorrain. L’industrialisation de la vallée de la Moselle constitua pendant longtemps un frein à une renaissance des coteaux, les mines et les aciéries offrant de meilleurs salaires que celui de manouvrier agricole payé à la tâche, dans une activité fortement saisonnière. Depuis la fin des années 1980, on note cependant une reprise de la tradition viticole lorraine, comme en témoigne l’extension et la création de parcelles mais aussi et surtout l’installation de nouveaux viticulteurs. On dénombre actuellement une centaine de producteurs en activité, sans compter les dizaines de vignerons passionnés, présents un peu partout en Lorraine.
Les vignobles de Lorraine sont des vignobles de zones tempérées, de versants ou de côtes. Les côtes sont orientées selon un axe Nord-Sud et sont tournées vers l’Est, pour capter le Soleil au levant. Leurs terrains argilo-limoneux et faiblement calcaires contribuent à l’exploitation et à la production du Pinot noir et de ses différentes déclinaisons (gris, rosé et rouge). Si le vignoble lorrain est aujourd’hui encore d’une taille relativement modeste, il présente toutefois l’originalité de produire un vin gris à partir de Gamay, le Gris de Toul et également d’être l’origine géographique d’un cépage blanc méconnu mais répandu, l’Auxerrois. Ce cépage n’a donc strictement rien à voir avec la région du même nom et résulte des recherches du Docteur Werner au centre de Laquenexy près de Metz.
Par ailleurs, le vignoble lorrain se décompose principalement en trois parties : les Côtes de Toul, les Côte de Meuse et les Côtes de Moselle.
Le vignoble du Toulois, qui représente la majeure partie de la vigne en Lorraine, puisque s’étendant sur plus de 110 hectares, est donc essentiellement connu pour son vin gris, obtenu par pressurage direct sans macération à base de Gamay et de Pinot noir principalement. Le Gris de Toul est plutôt fruité et vif. On trouve également de l’Auxerrois dans le Toulois. Actuellement, près de soixante-dix viticulteurs produisent chaque année près de 800 000 bouteilles. Leurs efforts et leur constante recherche de qualité leur ont valu une AOC (Appellation d’Origine Contrôlée) en 1998.
La renaissance de la vigne en Lorraine prend encore plus de sens sur les Côtes de Meuse, où l’on compte désormais une quarantaine d’hectares classés en vain de pays, mais qui devraient prochainement se voir décerner l’AOVDQS (Appellation d’Origine de Vin Délimité de Qualité Supérieure) par l’INAO (Institut National des Appellations d’Origine). Une dizaine de viticulteurs produit des vins blancs, gris et rouges, notamment près de Vigneulles-les-Hattonchâtel. Les vignobles du Toulois et des Côtes de Meuse se sont organisés depuis le 1er novembre 2003 en Comité des Vins de Lorraine afin de promouvoir ensemble leur terroir et la diversité de leurs produits. On les retrouve désormais sous la dénomination de « Vignoble Lorrain ».
Les Côtes de Moselle sont quant à elles beaucoup plus éparses, disséminées en plusieurs îlots. On les rencontre principalement en bordure du fleuve éponyme, essentiellement dans le Pays Messin (domaine du Château de Vaux par exemple) et dans les environs de Kontz-les-Bains et de Sierck-les-Bains au Pays des Trois Frontières, mais aussi et dans une moindre mesure, sur le plateau lorrain et dans la vallée de la Seille, aux alentours de Vic-sur-Seille et de Marsal. Près de trente producteurs se partagent une surface totale avoisinant 60 hectares. Le vignoble mosellan, qui gagne rapidement en superficie, devrait très prochainement se voir certifier AOC. D’ailleurs, après le passage d’une commission d’enquête de l’INAO, le dossier mosellan a reçu un avis favorable. On y retrouve les même cépages que décrits précédemment.
Enfin, notre analyse du renouveau du vignoble lorrain ne serait pas complète sans la reconnaissance de tout le travail de quelques passionnés qui entretiennent la culture viticole dans les Vosges, notamment près de Xertigny et de La Bresse.
Si la vigne regagne de plus en plus de terrain en Lorraine, le vignoble de notre belle province manque encore cruellement de lisibilité et de reconnaissance auprès du grand public, notamment des Lorrains eux-mêmes. Cette méfiance et cette méconnaissance se retrouvent malheureusement chez de nombreux restaurateurs de la région qui hésitent toujours à proposer à leurs clients des vins de Lorraine. Espérons que les efforts de tous les viticulteurs et de tous ces passionnés soient encore plus récompensés. L’extension du vignoble ainsi les nombreux prix et autres médailles glanés lors des concours par les producteurs lorrains devraient cependant y contribuer.
blogerslorrainsengages
30 novembre, 2009 à 19:10
Un aperçu en vidéo dans la Meuse: http://videos.tf1.fr/jt-13h/a-la-decouverte-du-pays-des-cotes-de-meuse-4712996.html